Simon Martinez, ancien artisan indépendant désormais référent HVAC chez Cévennes Confort à Alès, regrette le manque de concertation de toute la filière en amont des annonces de remplacement des chaudières vétustes fioul, gaz non-condensation et charbon.

Que pensez-vous de la volonté gouvernementale de supprimer le fioul d'ici 2028, et des aides mises en place en remplacement des chaudières vétustes ?Le remplacement du fioul est une très bonne chose. Les entreprises d'installation de pompes à chaleur et chaudières performantes, comme Cévennes Confort, ont une réelle opportunité à saisir. En revanche, je déplore la manière dont ce "fioulExit" a été mis en place. Du jour au lendemain, le Gouvernement a annoncé pléthore d'aides et de coups de pouce, sans nous avoir alertés ou préparés. Nous avons été obligés de faire un travail énorme en interne pour comprendre comment tout s'articulait, quels étaient les barèmes à appliquer. Et il fallait agir vite parce que les clients sont nombreux à vouloir profiter de cette prime à la conversion des chaudières ! Dans le Gard où nous sommes basés, les particuliers sont nombreux à pouvoir bénéficier de ces aides adressées aux revenus très modestes. Le problème est que, maintenant, nous nous retrouvons avec des dizaines de demandes en suspens.Pourquoi ?Cette prime est victime de son succès. L'Anah (Agence Nationale de l'Habitat), qui permet aux revenus les plus modestes de percevoir une aide de 50 % du montant total des travaux, est complètement débordée. Les services n'avaient pas anticipé le succès de ces offres de remplacement de chaudières. Si à notre échelle, dans notre entreprise d'une vingtaine de salariés, nous avons quarante dossiers en attente, j'ose imaginer au niveau national combien de demandes cela représente ! C'est dommage, pour une fois que le gouvernement met en place une aide qui touche une partie non négligeable de la population, cela manque clairement de préparation.Les énergéticiens qui ont lancé leurs offres à 1 € peuvent-ils mieux s'en sortir que vous ?Je ne sais pas. Ils ont peut-être des passe-droits avec l'Anah, et le gouvernement plus généralement. Si c'est le cas, ce n'est pas équitable. Si les énergéticiens se retrouvent à réaliser 70 % des installations, c'est la fin des petites structures.Quels changements avez-vous opérés au sein de votre PME ?Nous avons été obligés d'embaucher quelqu'un qui traitera exclusivement toutes ces demandes de remplacement de chaudières vétustes. Nous avons également un technicien supplémentaire. Si l'avenir est aussi prospère qu'on le devine avec le remplacement du fioul, nous pourrions être amenés à recruter de nouveaux collaborateurs. Je reste encore perplexe sur l'aisance des industriels à produire autant de PAC et de chaudières gaz THPE en si peu de temps. Il suffit de regarder les délais actuels, qui s'étendent déjà sur plusieurs semaines, voire plusieurs mois.Qu'espérez-vous maintenant ?Que tout le monde réussisse à trouver son nouveau rythme de travail. Nous aurions pu éviter cette période très tendue et assez floue si toute la profession avait été consultée. Maintenant, il faut faire avec, ou plutôt sans cette préparation. J'espère qu'après une période de transition de quelques mois, tout sera rentré dans l'ordre, les entreprises auront réussi à se restructurer, et l'Anah aura absorbé la hausse des demandes. J'espère surtout que les particuliers seront très vigilants face aux écodélinquants, qui risquent de profiter de ces offres pour, comme il y a dix ans, démarcher les clients, installer à tout va des pompes à chaleur et desservir la profession. Si, encore une fois, nous avions eu le temps de nous préparer, nous aurions pu faire plus de pédagogie auprès des clients. Il va falloir leur rappeler de ne pas engager n'importe qui.