En créant un « jumeau numérique » du système couplant la ventilation de son atrium et la clim de son data center, l’éditeur de logiciels lyonnais Carl Software a identifié des modes de fonctionnements anormaux. Un retour d’expérience riche d’enseignements sur les limites de la GTB.

Le dilemme de l’éditeur de logiciels Carl Software pour son siège implanté en bordure de Lyon était le suivant : satisfaire à la fois le responsable informatique qui souhaite que le data center ne surchauffe pas et le responsable des services généraux qui veut que les collaborateurs n’aient pas froid dans l’atrium. Sachant que l’air pris en haut de l’atrium peut alimenter le local serveur et que l’air expulsé de ce dernier peut être réinjecté par le haut de l’atrium (voir schéma), les deux n’ont pas d’autre choix que de s’entendre.

Mais peu de temps après la mise en service des équipements, les deux centrales de climatisation de 30 kW implantées dans le local serveur pour éviter la surchauffe du data center ont été mis à rude épreuve. Les allumages et les extinctions trop brutales ont rapidement conduit à des pannes à répétition. Youssef Miloudi, responsable technologique chez Carl Software, a donc décidé de mettre son nez dans la GTB et d’injecter ce qu’il sait faire, une dose d’intelligence artificielle.

schema-1.jpgCarl Software a reconstitué un jumeau numérique incluant le ventilateur amenant l’air de

Soixante capteurs

Pour cela, comme toujours, il faut d’abord partir à la pêche à la data. Circulations du volume d’air, pressions d’aspiration, alimentation des compresseurs… 60 capteurs relèvent toutes les 15 secondes et collectent ainsi 164 000 mesures chaque heure. « Le stockage d’un nombre de données si importantes est trop lourd. Nous les traitons donc en streaming », note Youssef Miloudi.

Grâce à toute cette masse d’informations et en appliquant un algorithme développé par le CNRS, les data scientist de Carl Software ont ainsi été capables de reconstituer un « jumeau numérique » du système incluant le ventilateur amenant l’air de l’atrium dans le local serveur, celui expulsant l’air du local serveur et les PAC air/air du data center. Il est alors apparu sept modes de fonctionnement différents, là où la GTB en prévoit trois… Trois d’entre eux étaient des modes de fonctionnement transitoires instables qui parasitaient l’efficacité du système et le dernier correspondait tout bonnement à un mode de surconsommation d’énergie.

« Cela s’explique principalement par le réglage initial de la GTB. La clim se mettait en fonctionnement lorsque la température du local serveur dépassait les 26 °C et s’arrêtait de fonctionner dès qu’elle était redescendue en dessous de 25 °C. De ce fait, pour descendre de 1 °C la température du local serveur, elle fonctionnait seulement 30 secondes en soufflant un air à 18 °C. Cela nécessitait de solliciter trop de puissance sur un temps trop court, d’où les pannes à répétition », remarque Youssef Miloudi. Désormais l’air de la clim n’est plus soufflé à 18 °C mais à 22 °C et cette dernière tourne à moindre régime plus longtemps, jusqu’à ce que la température du local serveur ait atteint 22 °C, et non plus seulement 25 °C.

graphe-2.jpg

GTB inadaptée au freecooling

La création du jumeau numérique a également permis de se rendre compte que le fonctionnement de la GTB, à partir d’une approche trop simpliste « été ou hiver » et « occupé ou inoccupé », était inadapté à un freecooling performant. « Nous avons pu constater qu’un certain nombre de réglages, qui passent normalement inaperçus, sont idiots et ont des conséquences lourdes sur le bilan énergétique. Par exemple, en été, si l’air sortant du local serveur est à plus que 20 °C, il est considéré comme trop chaud et donc expulsé dehors. Cela n’a pas de sens car un air à 22 °C peut tout à fait servir à abaisser la température de l’atrium en été », souligne Youssef Miloudi.

Autre dysfonctionnement mis en lumière par des « données singulières » de la vie du « jumeau numérique » : en rejetant des débits d’air trop importants à l’extérieur, le bâtiment était mis en dépression et de l’air chaud extérieur en été (et froid en hiver) était ainsi aspiré par la grille d’aspiration. Une ailette a donc été installée de manière à limiter l’entrée d’air. Avec toutes ces actions, la facture énergétique a d’ores et déjà été abaissée de 12 % sur quatre mois. Et ce n’est qu’un début car Carl Software s’apprête à créer un « jumeau numérique » de la CTA de l’ensemble du bâtiment.

Fiche technique

PICTO VENTILATEUR / PICTO DATA CENTER / PICTO CERVEAU

Rhône (69)

Limonest

Équipements

Six unités de climatisation modèle VRFMAX2R de marque Fujitsu de 40 kW chacune

Deux armoires de climatisation modèle Inrow500 de maque APC de 30 kW chacune dans le data center

Acteurs

Maître d’ouvrage : Carl Software

Mainteneur : 2BClim