Renaud Fortier, chauffagiste à Lussac, à une vingtaine de kilomètres au sud de Cognac, a repris l'activité après deux semaines de fermeture, de peur ne pas être aidé par l'Etat.






Qu'est-ce qui vous a motivé à reprendre vos chantiers après deux semaines d'interruption ?

J'ai cinq salariés, dont un apprenti. Au lendemain de l'intervention du Président de la République, le vendredi 13 mars, quatre de mes techniciens m'ont fait part de leurs craintes quant à continuer à travailler. Je leur ai expliqué qu'ils pouvaient faire valoir un droit de retrait, et que je les placerais en chômage partiel. Deux d'entre eux avaient des congés à poser, ils ont donc pris quinze jours, les deux autres ont été mis au chômage partiel.
Pendant ces deux dernières semaines, j'ai quand même assuré les dépannages avec un autre salarié, qui ne souhaitait pas être arrêté, et nous avons été submergés. Chaque jour, je demandais à d'autres artisans de ma région, plombiers, menuisiers, pour savoir comment ils travaillaient, s'ils envisageaient une reprise. Tous redémarraient petit à petit, avec les précautions sanitaires nécessaires, évidemment ! Nous avons la chance de ne pas être très impactés par le coronavirus dans notre région. Les gens nous ouvrent encore leur porte ! Un de mes techniciens au chômage partiel est également revenu vers moi parce qu'il souhaitait reprendre le travail, sa compagne étant infirmière, il s'ennuyait seul chez lui ! Je lui ai donc fait un topo sécurité, sur tous les gestes barrières à respecter et l'équipement à porter lors des interventions. Et depuis hier, nous reprenons progressivement.

Rencontrez-vous des difficultés d'approvisionnement ?

La plupart des ditributeurs autour de chez moi sont pour l'instant bien achalandés. 95 % de mes chantiers concernent la rénovation énergétique chez les particuliers, avec l'installation de PAC, de chaudières granulés et de panneaux photovoltaïques. Six semaines avant chaque chantier, je prévenais mes fournisseurs pour que le matériel soit disponible. J'ai donc un peu de stock. Il n'empêche que j'ai été obligé de réorganiser mon planning. Certains chantiers prévus en avril ont dû être décalés, les équipements étaient disponibles mais à l'autre bout de la France... Et d'autres chantiers prévus en mai ou en juin ont été avancés. Les clients ont tout à fait compris cette réorganisation.

Que pensez-vous du guide des bonnes pratiques sur le chantier de l'OPPBTP paru hier soir ?

Ce guide arrive un peu tard. C'est un serpent de mer, nous l'attendions depuis dix jours. Pour l'instant, je l'ai lu rapidement, mais une chose est sûre, je ne l'ai pas attendu pour protéger mes salariés quand ils travaillent ! Nous disposons de masques FFP3, de gants et de combinaisons complètes. Ils les portent en permanence. C'est un priorité pour moi d'assurer la protection de mes techniciens.

Comment imaginez-vous l'après confinement ?

Il faudrait déjà savoir quand le confinement prendra fin. Globalement, pour l’instant, on sauve les meubles, mais si ça dure longtemps, jusqu’à juin, je n’aurai pas les reins assez solides, surtout si l'Etat ne rembourse pas le chômage partiel. C'est une réelle crainte, je me méfie des paroles des politiques. L'Etat nous propose des emprunts à la BPI pour garder la tête hors de l'eau, mais ça reste un emprunt qu’il faut rembourser. J'ai repris la société de mes parents il y a trois ans, et même si j'ai la chance d'avoir connu une belle dynamique ces derniers mois, j'ai déjà des emprunts en cours. J’ai aussi reçu un courrier de l’Urssaff qui me précise que les cotisations sont juste décalées, pas recalculées par rapport à la baisse d’activité. Si le confinement dure jusqu'au mois de juin, le risque est également de ne plus avoir d'approvisionnement suffisant, et d'amplifier un phénomène d'anxiété auprès de nos clients. L'enfermement prolongé va nous empêcher d'intervenir, même si nous faisons preuve de toutes les précautions sanitaires demandées.