
On se souvient d'il y a presque quatre ans, quand le Premier ministre de l'époque Édouard Philippe annonçait la suppression du chauffage au fioul pour 2028. Depuis, les décisions politiques se sont enchaînées en ce sens, orientant les aides gouvernementales pour les travaux de rénovation énergétique des logements vers des systèmes de chauffage dits plus vertueux, la pompe à chaleur air / eau et la chaudière à granulés en tête. En deux ans, le dispositif MaPrimeRénov' a su convaincre les particuliers d'abandonner leur vieille chaudière au profit de nouveaux équipements, accélérant ainsi le développement industriel et technologique de ces derniers.
" Il faut former les installateurs pour qu'ils maîtrisent le R290 ", Jean-Luc Savin, responsable énergies renouvelables chez Vaillant group
La pompe à chaleur air / eau, donc, est devenue incontournable dans cette bataille de l'Afterfioul. Entre 2018 et 2021, les ventes ont été multipliées par trois en France pour atteindre pas moins de 267 000 équipements installés l'an dernier. Le marché est plus que dynamique et pour avoir sa part du gâteau, les industriels redoublent d'effort afin de proposer des produits différenciants. Il y a des arguments qui font mouche auprès des particuliers : les nuisances sonores de l'unité extérieure maîtrisée, la place que requiert l'appareil pour être installé, l'impact environnemental... mais surtout, la performance énergétique garantissant le confort thermique des occupants. Quand on regarde l'offre désormais pléthorique de pompes à chaleur air / eau sur le marché, il n'est pas toujours évident, même pour un installateur, de savoir vers quel modèle se tourner plutôt qu'un autre. Et parfois, souvent diront certains, ce qui permet de marquer les esprits reste le fluide frigorigène utilisé dans l'équipement.
La danse des fluides
En feuilletant les catalogues des fabricants, on se rend compte que le R32 prend de plus en plus de place. Logique, le fluide possède un faible potentiel de réchauffement global (GWP) de 673 contrairement à son prédécesseur le R410A qui plafonnait à 2088. Parce que, rappelons-le, ces fameux réfrigérants sont très encadrés par la réglementation F-Gas, entre quotas à respecter et seuil de GWP à ne pas dépasser. D'ailleurs, le texte doit connaître une nouvelle évolution courant 2023 en vue de l'émergence thermodynamique sur le vieux continent avec des conditions encore plus restrictives sur l'utilisation de ces fluides frigorigènes. Et l'on murmure que le R32 serait fluide non grata dès 2027, selon les volontés de la Commission européenne. De quoi bouleverser la dynamique enclenchée et surtout faire perdre la tête aux professionnels et à leurs clients chez qui ils viennent d'installer des pompes à chaleur air / eau fonctionnant au fameux R32.
En chiffres
267 000
C'est le nombre de pompes à chaleur air / eau vendues en 2021, soit 52 % de plus qu'en 2020. Les ventes de monobloc, correspondant le plus souvent à des installations dans l'existant, soit des rénovations, ont augmenté de 82 % en un an.
Le marché des PAC air / eau dont la puissance est comprise entre 6 et 10 kW a grimpé de 65 % entre 2020 et 2021, ce qui représente un quart du marché total, ainsi qu'une hausse de 58 % pour les PAC de 11 à 20 kW, représentant plus de la moitié du marché total. source : Uniclima
2026
C'est l'année durant laquelle le secteur devrait constater un nombre de ventes plus important de pompes à chaleur air / eau que de chaudières gaz. Pour Delta-EE, cabinet d'analyse, cette date pourrait même être avancée étant donné la conjoncture énergétique actuelle et les fortes incitations gouvernementales. source : Delta-EE
1 000 €
C'est le bonus qu'a alloué depuis le 15 avril le gouvernement aux ménages choisissant la pompe à chaleur, qu'elle soit air / eau, hybride ou géothermique, et la chaudière à granulés, pour le remplacement d'un vieux système de chauffage. source : Ministère de la Transition écologique
Les industriels ont donc enclenché cette transition, partant pour beaucoup du R410A. Certains s'appuient d'ailleurs de fabricants de fluides. C'est le cas de Stiebel Eltron qui a été accompagné par Chemours dans son évolution vers le R454C. " Passer à ce réfrigérant cache plusieurs avantages, confie Jean-Marc Christmann, spécialiste marketing technique au sein de Chemours. Le R454C garde les mêmes niveaux de pression que le R410A tout en augmentant les plages de températures utilisables, notamment des températures d'eau plus élevées en sortie. " Les nouveaux HFC pourraient donc une partie de la réponse. Encore faut-il qu'ils passent les années et les évolutions de la F-Gas.
" On ne peut pas se passer du gaz, alors décarbonons-le avec l'hydrogène ! ", Olivier Stenuit, responsable du déploiement de l'hydrogène chez BDR Thermea France
Pour éviter de se faire couper dans son élan par la réglementation, d'autres industriels ont fait le choix de s'orienter vers des fluides dits naturels tels que le propane, le R290, dont le GWP n'est que de 3, et qui ne sont pas concernés par la F-Gas. C'est notamment le cas au sein du groupe Vaillant, qui commercialise depuis bientôt trois ans des pompes à chaleur air / eau au R290 dans chacune de ses deux enseignes, Saunier Duval et Vaillant. " C'est un fluide très intéressant pour le remplacement d'une chaudière fioul, détaille Jean-Luc Savin, chef de groupe énergies renouvelables au sein de Vaillant group, parce que ses propriétés thermodynamiques permettent d'aller chercher des hautes températures d'eau, et donc de correspondre aux émetteurs déjà en place, sans pour autant avoir besoin d'une double injection de vapeur. " Pourtant, le propane reste encore craint par certains professionnels sur le terrain. " Le R290 est certes inflammable, mais les équipements ont souvent une très petite quantité du fluide. Surtout qu'il s'agit le plus souvent de pompe à chaleur air / eau monobloc. Le réfrigérant est confiné dans l'unité extérieure, en dehors de l'habitation. C'est également un plus pour les chauffagistes qui basculent vers l'installation thermodynamique.
Les Français et le fioul
Fioul, toujours
Selon un sondage réalisé par FioulReduc et Hellio, 4 Français sur 10 chauffés au fioul veulent le rester, pour son confort de chauffe (38 %), sa simplicité dans la gestion au quotidien (30 %) et sa fiabilité (21 %). En revanche, 26 % regrettent le prix élevé du combustible.
Brûler pour le biofioul
Un Français sur cinq chauffé au fioul envisage de changer le brûleur de sa chaudière pour la rendre compatible au biofioul quand un ménage sur six pense ne rien changer.
Nouvelles idylles
17 % des répondants envisagent de changer leur chaudière fioul pour passer à une autre énergie. La pompe à chaleur reste le mode de chauffage dans le coeur de plus d'un répondant sur deux (51 %), devant la chaudière à granulés de bois (35 %). La chaudière gaz n'obtient que 4 % des suffrages. Source : Hellio
Avec une monobloc, ils n'ont pas besoin de se soucier de manipuler le fluide. Il suffit de réaliser une liaison hydraulique vers l'unité intérieure. " Pour Pascal Housset, président de l'UMGCCP-FFB, si le R290 venait à s'émanciper, il faudra cependant cadrer son utilisation. " Il n'y a pas vraiment de réglementation quant à la manipulation du propane, remarque celui qui est aussi gérant d'une entreprise d'installation en Seine-et-Marne. Les fabricants doivent accompagner et former les installateurs. Il faut un savoir-faire des entreprises avec, pourquoi pas un certificat de conformité pour les installations d'équipements fonctionnant au R290. " D'ailleurs, quand on lui parle de cette bascule des chauffagistes vers le métier de climaticien, le professionnel rappelle que parmi les solutions de pompe à chaleur, il y a également la PAC hybride gaz qui a toute sa place dans le remplacement des vieux systèmes de chauffage.
Plan H activé pour le gaz
" La PAC hybride permet aux chauffagistes de se démarquer, parce qu'ils maîtrisent la flamme bleue, contrairement aux climaticiens. C'est aussi une réponse aux incertitudes sur l'énergie que nous connaissons depuis plusieurs mois. " Et c'est surtout l'occasion pour le gaz de ne pas rester sur le banc de touche. Autre opportunité pour l'énergie fossile de ne pas quitter le domicile des Français, l'arrivée de l'hydrogène dans la combustion. Chez BDR Thermea, on est tellement accro au H qu'un pôle lui est réservé pour le développement des produits. " Les contraintes pour remplacer un chauffage au gaz sont très importantes, constate Olivier Stenuit, responsable du déploiement de l'hydrogène au sein de BDR Thermea. En ville, il n'est pas toujours possible d'installer des groupes extérieurs en façade. On ne pourra véritablement pas se passer du gaz partout. Nous avons donc voulu décarboner la flamme de la chaudière en fabriquant notamment l'hydrogène localement pour verdir la combustion. " BDR Thermea imagine d'ailleurs que sa solution saura répondre au verdissement des chaudières gaz murales dans le collectif. L'industriel défend également la mise en place de chaudières tout hydrogène pouvant alimenter jusqu'à tout un quartier. Mais encore une fois, l'hydrogène pourrait effrayer la profession. " L'objectif est de ne pas perdre la filière en cours de route. Notre responsabilité est de concevoir des produits faciles à installer et à maintenir et garantissant une sécurité pour les installateurs et les usagers " insiste Olivier Stenuit. Le groupe ne s'arrête pas à la défossilisation du gaz. Comme d'autres industriels, BDR Thermea souhaite également se positionner sur le fioul d'après.
Le fioul est dans le pré
Les chaudiéristes ont en effet dû travailler sur de nouvelles versions de leurs chaudières fioul, et des versions plus végétales pour respecter la réglementation en cours. Rappelons que depuis le 1er juillet, il est interdit d'installer une chaudière émettant plus de 300 g CO2/kW. Résultat, pour continuer de vendre de tels équipements, il a fallu travailler sur un brûleur acceptant du biofioul chargé au moins à 30 % d'EMAG de colza, le fameux F30. Si certains ont fait le choix d'arrêter la commercialisation de chaudière fioul, comme Bosch Thermotechnologie France, d'autres ont décidé de relever leurs manches. Actuellement, une dizaine de fabricants proposent des chaudières compatibles au F30. Certains se disent même prêts pour le F100. Mais si les fabricants ont fleuri leurs chaudières fioul, les clients ont-ils envie de rester fidèle à cette technologie ? " Oui " répond Eric Layly, président de la Fédération française de carburants, combustibles et chauffage (FF3C). " La plupart des Français chauffés au fioul veulent le rester, par souci de fiabilité de leur système de chauffage mais aussi parce qu'ils sont satisfaits du confort que ce dernier leur apporte et que, finalement, une fois acheté et stocké, vous êtes sûr que vous n'aurez pas de manque de fioul. " L'arrivée du biofioul pourrait cependant alléger encore un peu plus le portefeuille, le combustible étant 10 à 15 % plus onéreux que sa version conventionnelle sans colza. " Nous sommes en discussion avec le gouvernement et les parlementaires pour faire inscrire au prochain projet de loi de finances une différenciation de tarif entre la partie fioul traditionnel et la partie EMAG de colza, qui ne serait donc pas taxée. Cela permettrait de retrouver un prix proche de ce qui se pratique pour le fioul conventionnel " détaille Eric Layly.
Le fioul et le gaz auraient donc une ouverture pour continuer d'exister dans le monde énergétique de demain. Ce qui confirme ce que constatent les professionnels sur le terrain, à savoir qu'il n'y a pas une réponse au remplacement des vieux systèmes de chauffage, mais bien plusieurs alternatives en fonction des applications, des habitations, leurs contraintes, mais aussi le budget de ceux qui font faire les travaux. L'argent reste donc un argument de taille, et encore plus à l'heure où le prix des énergies grimpe de manière plus qu'inquiétante. La conjoncture pousse d'ailleurs de plus en plus à réfléchir à des systèmes offrant l'autonomie et la sécurité énergétiques. C'est là que l'association de la biomasse et du solaire thermique rentre dans l'équation.
Le bois, tout feu tout flamme
En une année, les ventes de chaudières à granulés ont augmenté de plus de 100 %. De quoi affoler le marché, obliger les industriels à accélérer la cadence en usine et les installateurs à trouver des bras sur le terrain pour répondre à cette forte demande. Une forte demande qui d'ailleurs s'explique en partie par les incitations gouvernementales encourageant le passage du fioul vers le granulé. « Les particuliers chauffés au fioul sont habitués de ce mode de fonctionnement de livraison et de stockage de l'énergie. Ils ont aussi la place requise pour!" constate Eric Vial, délégué général de Pro pellet. Et, comme le fioul, une fois chargé, le granulé donne cette impression d'indépendance énergétique.
Granulé, le bien-aimé
119 %
Les chaudières à granulés ont connu une hausse des ventes de 130 % en 2021 par rapport à 2020 avec 31 000 unités vendues.
10 000 €
C'est le montant de l'aide MaPrimeRénov' que peut percevoir un ménage très modeste pour l'acquisition d'une chaudière à granulés en remplacement d'une chaudière fioul.
Au poêle !
Selon un bilan de l'Anah concernant l'aide à la rénovation énergétique, durant le premier semestre 2022, le poêle à granulés est arrivé en haut du podium des gestes de travaux réalisés avec 81 642 dossiers financés, tous niveaux de revenus confondus. La médaille d'argent revient à la pompe à chaleur air / eau avec 73 409 dossiers financés entre janvier et juin. On retrouve sur la troisième marche des gestes par travaux sur ces six premiers mois de l'année le CESI, comptant 34 355 dossiers financés.
Sources : Uniclima, Anah
Une indépendance renforcée par le solaire thermique. François Duval, gérant d'une entreprise d'installation dans les Yvelines, défend de plus en plus des installations alliant biomasse et solaire thermique. « Ce sont deux solutions très vertueuses. Elles permettent aussi une certaine économie à la fin pour le consommateur. On va notamment coupler la chaudière avec des capteurs pour faire de l'eau chaude sanitaire.
" Le biofioul doit bénéficier d'une tarification incitative ", Eric Layly, président de la FF3C
Pour les maisons volumineuses, où on dispose de suffisamment d'espace, on va également proposer d'instal/ater un système de chaleur solaire en complément de la chaudière à granulés." L'installateur a d'ailleurs vu grandir son activité d'une manière fulgurante, à l'image de la dynamique du marché. En à peine trois ans, son entreprise est passée de quinze installations de chaudières à granulés à près de deux cents. Des installations pour la plupart engendrées par le dispositif d'aides mis en place par le gouvernement. Et si, un jour, ces aides venaient à disparaître?« Je ne suis pas inquiet, assure François Duval. Le prix des énergies est si élevé que le granulé reste une alternative très intéressante. Et les clients sont de plus en plus concernés par l'aspect écologique de leur chauffage." Le granulé serait donc l'héritier le plus légitime du fioul, avec cette particularité que son prix est bien moindre, en tout cas.jusqu'à maintenant. « On constate un phénomène équivalent à celui des paquets de pâtes lors du confinement. Les clients chauffés au granulé ont peur de manquer alors ils surstockent, entraînant de facto une pénurie du combustible et donc une hausse des prix. Mais qu'ils se rassurent, nous avons les stocks suffisants pour qu'ils se chauffent cet hiver ! "
Ce que dit la loi
Du biofioul ou rien
Depuis le 1er juillet 2022, il est interdit d'installer un système de chauffage dont les émissions dépassent plus de 300 gCO2eq / kWh PCI (pouvoir calorifique inférieur). Concrètement, ce décret oblige les chaudières fioul installées à partir de cette date à fonctionner au F30, un biofioul chargé à 30 % d'EMAG de colza, et ce dans le résidentiel comme le tertiaire.
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