Selon une étude de l'association Négawatt et du réseau CLER sur le rôle de la pompe à chaleur dans la rénovation énergétique, les émissions de GES et la consommation sont réellement réduites si la température de départ vers les émetteurs ne dépasse pas 45 °C.

Toutes les pompes à chaleur ne se valent pas. C'est ce que l'on peut conclure à la suite de la lecture d'un rapport rédigé par l'association Négawatt et le réseau CLER sur le rôle de la pompe à chaleur dans la rénovation énergétique. Alors que la PAC est présentée par ses défenseurs comme le remède miracle pour décarboner le chauffage dans les logements, l'étude a pour objectif d'identifier les conditions de fonctionnement impérativement requises pour que l'équipement soit installé à la place d'une chaudière, et surtout que cette installation soit pertinente au regard des émissions de gaz à effet de serre mais aussi de consommation énergétique et d'appels de puissance.

La PAC HT à jeter ?

Les experts ont voulu quantifier l'impact des différentes solutions thermodynamiques appliquées à la moitié du parc de logements classés F et G, les fameuses passoires thermiques. " Le taux de 50 % a été choisi car il conduit à environ 1,4 millions de logements, explique Olivier Sidler, co-fondateur de Négawatt. Donc, s’ils devaient tous être rénovés d’ici 2028, il faudrait en rénover 287 000 par an, soit un nombre parfaitement compatible avec les objectifs fixés à cette échéance par la PPE qui est, en principe, la feuille de route de la France. " L'association Négawatt a dressé plusieurs scénarios : quand l'habitation n'est pas préalablement rénovée et que seul le remplacement de chauffage est prévu et quand l'installation de la PAC est intégrée à un programme de travaux plus global.

Première information que nous apprend, ou rappelle, l'étude : si on ne passe pas par la case rénovation globale, il est impossible d'uniquement remplacer une chaudière par une PAC ordinaire, soit avec une température d'eau comprise entre 35 et 45 °C, dans un bâtiment d'avant 1975 car le niveau de température nécessaire pour les émetteurs est beaucoup trop élevé. Viennent alors différentes options, parmi lesquelles une PAC avec des convecteurs électriques, une PAC en relève de la chaudière, une PAC hybride et une PAC haute température. Selon le rapport, ces solutions, malgré l’existence assez fréquente d’un surdimensionnement initial de l’installation de chauffage en place, réduisent insuffisamment les émissions de GES, mais surtout elles génèrent de nouvelles consommations d’électricité et des puissances appelées très problématiques par leur importance. Elles ne constituent donc pas une bonne réponse pour la rénovation des bâtiments, en plus d’être très coûteuses. " L’utilisation des convecteurs électriques en appoint est bon marché à l’installation mais génère de très fortes consommations d’électricité et des pointes difficiles à absorber. Les PAC haute température améliorent un peu les émissions, mais de façon insuffisante. Elles coûtent très cher, sont très encombrantes, délicates à régler et nécessitent un entretien très rigoureux " estime Olivier Sidler.

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association Négawatt
Consommation d’énergie primaire, puissance électrique de pointe et émissions de GES

En revanche, si on rénove préalablement les bâtiments pour faire en sorte que la température de départ vers les émetteurs en place ne soit plus 90 °C mais 45 °C, les PAC fonctionnent dans des conditions optimales, conduisant à des émissions de GES, des consommations et des appels de puissance très faibles. " La mise en œuvre de PAC associées à une rénovation réduisant les besoins de chauffage d’un facteur 4 conduit à des bilans exceptionnels que ce soit en consommation, en puissance ou en émission, analyse Olivier Sidler. Ces performances sont encore meilleures avec les régulations de type Inverter plutôt que celles de type TOR (Tout ou Rien). La rénovation « facteur 4 » permet en effet, en laissant en place les émetteurs (radiateurs) existants, d’abaisser jusqu’à 45°C leur température et d’offrir des conditions optimales de fonctionnement aux PAC. Ainsi, la consommation d’électricité pour le chauffage n’est plus que de 5 ou 6 kWh/m²/an et les émissions de l’ordre de 0,7 kg CO2/m²/an. Ceci suppose à l’évidence que la température de sortie du condenseur soit effectivement programmée en fonction de la température extérieure (loi d’eau) et que les circuits auxiliaires soient conçus pour être les plus efficaces et donc les plus économes possibles. "

Le rapport en conclut que, si tous les logements de classes F et G chauffés au gaz et au fioul étaient rénovés de manière globale et performante, la puissance appelée pour une température extérieure de -5 °C induite par ces travaux ne serait que de 1,0 GWe, soit 60 % de la puissance d’un seul réacteur EPR. Ce qui correspond à une puissance de 4,5 W/m². " Développée à grande échelle, cette stratégie permettrait de sortir des situations de pointes hivernales que rencontre la France depuis des années, de limiter les importations d’électricité ainsi que la taille du programme de production à construire et les coûts afférents. Cette façon de procéder accélérerait fortement la réduction des émissions, ce qui offrirait à la France l’occasion de réduire le retard accumulé depuis plusieurs années en matière de rénovation " peut-on lire dans le rapport.

Gloire à la PAC géothermique

L'association Négawatt et le réseau CLER insistent tout de même sur certaines évolutions à tenir compte pour que la magie de la PAC opère. " Les PAC eau / eau doivent être privilégiées, dans la mesure du possible et des dispositions locales, par rapport aux PAC air / eau car elles réduisent encore de 25 % la puissance de pointe et de 14 à 18 % la consommation et les émissions selon que le mode de régulation des PAC est TOR (tout ou rien) ou de technologie Inverter. Elles ne présentent pas l’inconvénient des PAC air / eau dont le bruit est souvent gênant pour le voisinage s’il n’est pas correctement traité. La source froide pourra provenir du sous-sol (nappe phréatique peu profonde ou sondes sèches jusqu’à 140 m. Celles-ci apportent 50 W/ml de chaleur à l’évaporateur). L’optimisation (visant à minimiser la puissance appelée) du taux de charge à la température de base des PAC conduit à une valeur, indépendante de la nature des PAC, de 87% pour les PAC régulées en TOR et de 100% pour les PAC régulées par technologie Inverter. "

Et Olivier Sidler de conclure : " les pompes à chaleur sont appelées non pas à remplacer uniquement des chaudières comme c’est actuellement le cas, au risque de dysfonctionnements graves, mais à être couplées avec des rénovations complètes et performantes ambitieuses. Le résultat obtenu en termes de performance n’a aucun égal et lui seul permettra de pouvoir encore espérer atteindre la neutralité carbone en 2050. "

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