INTERVIEW EXCLUSIVE. Le gouvernement a annoncé durant l’été l’interdiction, d’ici 15 mois, de remplacer une chaudière fioul en fin de vie par une autre. La ministre déléguée au Logement Emmanuelle Wargon livre, en exclusivité, des explications à Génie Climatique Magazine.

Sera-t-il possible, en 2022, d’installer en lieu et place d’une chaudière fioul en fin de vie une nouvelle chaudière capable de fonctionner avec du biofioul ?

L'interdiction visera les chaudières dont les émissions de CO2 sont supérieures à un seuil chiffré, que nous allons fixer d'ici la fin de l'année dans la réglementation. C'est d'ailleurs cette voie qu'ont proposée les 150 citoyens de la Convention citoyenne pour le Climat.
S'il existe du biofioul - mélange de fioul et d'esther de colza - qui respecte ce critère d'émission, je suis prête à l’autoriser. En revanche, le cas échéant, les chaudières devront apporter la garantie technique qu'elles ne peuvent pas fonctionner avec du fioul classique dont les émissions de CO2 sont supérieures au seuil.

Comment l’État veillera au respect de la règle de "non-installation" de chaudière fioul ?

Nous allons engager dès cette rentrée une concertation avec les professionnels concernés, notamment les installateurs, pour définir précisément le contenu des textes. L'idée est de fixer la règle suffisamment en amont pour permettre à toute la filière de s'adapter. Ce sont les outils de contrôle de la réglementation technique concernée qui s'appliqueront, à savoir la réglementation thermique des bâtiments.

Allez-vous discuter avec les industriels afin de vous assurer qu’aucune chaudière fioul n’est encore disponible sur le marché français en 2022 ?

La concertation inclura également les fabricants pour qu'ils puissent se préparer à la fin de la mise sur le marché de ce type d'équipements.

Des amendes sont-elles envisagées ?

Des sanctions sont de fait déjà prévues lorsqu’on ne respecte pas la réglementation thermique des bâtiments. Le Code de la construction et de l’habitation prévoit des sanctions pénales pour les bénéficiaires des travaux, les architectes, les entrepreneurs ou toute autre personne responsable de l'exécution de travaux ayant méconnu les obligations de réglementation thermique (L. 152-1 à L. 152-5 du Code de la construction et de l’habitation). Aussi, nous ne créerons pas de règle spécifique pour l’interdiction des chaudières au fioul, qui serait différente des sanctions s'appliquant dans le cadre de la réglementation thermique.

Que répondez-vous à ceux qui considèrent que cette décision va à l’encontre de l’intérêt des ménages vivant en zone rurale ?

Nous le savons, le fioul coûte chaque année très cher aux ménages qui l'utilisent comme moyen de chauffage. La facture annuelle dépasse souvent les 1 500 €, peut monter jusqu'à 3 000 € et peut varier considérablement d'une année sur l'autre. Inciter ces ménages à sortir du chauffage au fioul c'est donc lutter pour leur pouvoir d'achat et contre la précarité énergétique.
Cette transition est donc bonne pour la planète (moins de CO2) mais aussi à terme, pour le portefeuille des ménages. C'est dans l'intérêt de tous.
Même dans les zones rurales, où le raccordement au gaz est rarement disponible et où le fioul est historiquement très présent, il existe plusieurs alternatives au fioul, notamment les pompes à chaleur, dont les performances sont désormais excellentes et peuvent fonctionner dans beaucoup plus de situations qu'il y a encore quelques années. Dans certains cas (zones très froides et forts besoins de chauffage), il existe des pompes à chaleur hybride, qui fonctionnent avec un appoint de fioul ou de gaz quelques dizaines d'heures par an. Et dans les cas où le réseau électrique n'est pas assez robuste ("bout de réseau"), il y a toujours le chauffage au bois, qu'il s'agisse de bûches ou de granulés. Le chauffage au bois est déjà très répandu en zone rurale, avec plus d'1 million de chaudières en France.

Ces alternatives ne sont-elles pas hors de portée des ménages chauffées au fioul ?

L’action que je mène au sein de ce ministère vise à rendre ces différentes alternatives abordables pour s'assurer que cette transition ne pénalise pas les plus modestes, y compris en zone rurale.
C'est également pour atteindre cet objectif que le Gouvernement a mis en place depuis 2019 des aides importantes pour le remplacement de vieilles chaudières fioul par des énergies renouvelables. Il existe des "coups de pouce" via les Certificats d'économie d'énergie, qui sont proposés par les fournisseurs d'énergie. Et ces coups de pouce peuvent se cumuler avec la nouvelle aide de l'État, MaPrimeRenov', qui remplace l'ancien Crédit d'impôts et qui est versée sur facture dès la fin des travaux. Prenons un exemple : pour un couple de retraités gagnant 25 000 € dans l'année, l'aide pour une pompe à chaleur est de 7 000 €. Au final, cela ne revient pas plus cher que d'acheter une chaudière fioul neuve.
Et les économies sur la facture sont ensuite très importantes chaque année, souvent plus de 1 000 € par an.

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