C’est peu dire que l’amour des Français pour la PAC air/air ne cesse de grandir. Le président de Bosch Thermotechnology France - e.l.m. leblanc Frédéric Agar, qui lance le géant allemand du chauffage sur le marché français de la clim cette année, pronostique que le volume de ventes annuelles devrait atteindre le seuil des 700 000 d’ici six ans.
« Les Français ont la clim au bureau, ils l’ont dans la voiture, ils la veulent chez eux également », nous souffle de son côté Enrique Vilamitjana, DG de Panasonic AC & Heating Europe. Pourtant, à la maison, les Français semblent devoir l’utiliser secrètement.
Clim non déclarée pour éviter d’être flashé par la RT
Afin d’éviter d’être flashé par le radar de la RT2012 à plus de 50kWH/m²/an, maîtres d’ouvrage et maîtres d’œuvre déclarent installer des PAC air/air uniquement pour se chauffer. Selon le CSTB, seul 0.3% des attestations de permis de construire de bâtiments chauffés par PAC ont des consommations de froid. Et, une récente étude du BE ABM indique que, même en zone H2c, moins de 3% des PAC installées sont déclarées réversibles.
Au regard du succès du mode de chauffage par vecteur air au sud de la Loire, l’enjeu énergétique que cache cette « hypocrisie nationale » est colossale. Le BE Bastide Bondoux a passé à la loupe les générateurs de chauffage choisis dans plus de 30 000 dossiers de maisons neuves RT 2012 traités de 2016 à 2018. Enseignement de cette gigantesque base de données : 4 maisons neuves sur 10 sont chauffées à la PAC air/air en zones H2C et H2D et, en zone H3, le ratio monte à 7 sur 10. Difficile d’imaginer que, dans ces régions, seulement quelques % de ces ménages n’utilisent leur équipement que pour se chauffer….
Le groupe d’experts qui planche sur une meilleure prise en compte du confort d’été dans la future RE2020 met en lumière cette problématique dans son rapport finalisé fin mars. « Le système déclaratif actuel est très insuffisant pour se prémunir contre une utilisation de la PAC en mode froid après la réception du bâtiment. C’est souvent de la climatisation masquée dans le neuf », indique le groupe d’experts.
Et il faut ajouter à cela toutes les installations a posteriori. Une enquête menée par la R&D d’EDF en 2016 pointait déjà du doigt que 8 à 9 % des logements construits après 2013 étaient équipés d’une climatisation après livraison du logement, et ce, pas forcément dans les règles de l’art (voir Infographie P40-41).
C’est pourquoi les experts du groupe confort d’été préconisent également un comptage de « froid virtuel » quand le logement n’accueille pas de PAC air/air à la livraison. « En l’absence de système de rafraîchissement, le recours à une consommation fictive de froid pour justifier du respect du confort thermique doit correspondre à une possibilité réelle d’installation d’un système de fourniture de froid sous peine de rendre le bâtiment inconfortable dans la durée ».
C’est là que se situe le nerf de la guerre : accepter d’offrir un vrai confort aux occupants sans pour autant faire exploser la consommation électrique. Et c’est pourquoi le couple clim/PV semble promis à un bel avenir. Le distributeur Axdis l’a compris et mise sur sa montée en puissance. Il accompagne les installateurs se fournissant auprès de lui dans la proposition d’ « offres globales » incluant PV, PAC et véhicule électrique.
Brasser l’air plutôt que le rafraichir
Mais pour José Coelho, Responsable du Sud-Est au sein du BE OASIIS et membre du groupe d’experts sur le confort d’été, il serait dommage de systématiser cette solution qui a du bon. « Il faut avant tout que la RE2020 amène les BE à arriver dès la genèse d’un projet. En étant là dès le premier coup de crayon, on peut pousser pour des logement traversants avec des protections solaires efficaces et, par exemple, s’opposer à la mise en place de volets roulants qui ne permettent pas de ventilation naturelle efficace la nuit ».
Pour ce dernier, le recours aux systèmes actifs doit se justifier en dépassant le cadre thermique. « Nous pourrions très bien voir se développer du géocooling couplé à une ventilation par insufflation. Ce type de mariage permettrait à la fois de rafraîchir et d’offrir un air meilleur qu’avec des VMC hygro B ». Un « droit à surconsommer » dans les projets qui vont plus loin sur la qualité d’air intérieur pourrait d’ailleurs être intégré à la RE2020.
Selon lui, il existe également d’autres moyens très économes en énergie pour abaisser la température ressentie. « Les brasseurs d’air plafonniers, très utilisés dans les tropiques, auraient toutes leur place dans nos régions les plus chaudes. Il suffit d’en installer un dans le salon et dans chaque chambre pour générer une vitesse d’air permettant, à elle seule, d’abaisser la température ressentie de 2°C. L’esthétique peut ne pas plaire mais aujourd’hui le fabricant Exhale propose des modèles fonctionnant sans pales. Nous avons déjà pu démontrer, par la simulation thermodynamique dans des logements collectifs implantés dans le Var, que ce brassage d’air permet de ne dépasser les 28°C ressentis qu’un petit nombre d’heures dans l’année ».
« T’as chaud chéri ? il fait bon pourtant »
Mais encore faut-il se mettre d’accord sur un critère de confort thermique estival. Si le rejet du Tic, indicateur de la RT2012, fait l’unanimité, l’arrivée de son successeur annoncé, la Durée d'inconfort d'été statistique (Dies) fait débat.
« La Dies actuelle propose des plafonds de températures à ne pas dépasser pendant un certain nombre d’heures, seuils différents selon la typologie de bâtiment. Ainsi dans une crèche, on considère être dans une situation d’inconfort à partir de 26° C alors que dans un logement, jusque 28°C, c’est jugé comme confortable. Pourtant, une nuit à 27°C peut, pour un grand nombre de personnes, être très inconfortable », souligne Amandine Debrand, ingénieur d’études chez Bastide Bondoux. De manière à évaluer l’impact du Dies actuelle, un consortium incluant des industriels a donc chargé différents bureaux d’études de mener des simulations. L’ingénieure de Bastide Bondoux a participé à ce grand moulinage du confort d’été.
« Dans les maisons, nous constatons 10 heures par jour en moyenne au-dessus de 28°C pour toutes les zones climatiques de France (de 2 heures à 15 heures en fonction du projet et des éléments d’amélioration du confort d’été apportés), sauf la zone H2d où nous pouvons atteindre 30 heures. Si le seuil de la Dies était abaissé à 26°C dans les logements - la simulation n’est pas possible car la température est verrouillée dans le moteur de calcul du CSTB - cette dizaine d’heures d’inconfort gonfleraient et approcheraient aisément la centaine d’heures », remarque Amandine Derand. « La perception du confort thermique, en été comme en hiver, est différente pour chacun. La RE2020 devra fixer un niveau d’exigence moyen garantissant, cette fois-ci, le confort des occupants ». Affaire à suivre…
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