Alain Bodin, dirigeant du bureau d’études IE Conseil, apporte à Génie Climatique Magazine son éclairage quant à l’évolution du marché de l'eau chaude sanitaire dans le collectif.

« La production d'ECS demain ne sera pas mono énergie »

Quels sont les défis auxquels est actuellement confronté le marché de l’eau chaude sanitaire ?

Aujourd’hui, l’urgence climatique et la flambée du coût des énergies sont devenues des priorités. L’un des principaux défis est de mettre en place des installations de production d’ECS faisant converger baisse des consommations et respect de l’environnement. D’autant que plusieurs dispositifs d’aides du gouvernement et réglementations, comme la RE 2020, œuvrent en faveur des énergies renouvelables.

Une autre problématique qui se pose actuellement est qu’il n’existe pas de réglementation pour dimensionner la production d’ECS en France. Les fabricants et les bureaux d’études ont leur propre méthode de calcul, ce qui peut avoir pour conséquence d’aboutir à des sous-dimensionnements ou surdimensionnements d’installations. À titre d’exemple, pour les chaudières, le rapport de puissance peut varier entre 1 et 5 selon les outils de calcul et coefficients de sécurité appliqués par les différents bureaux d’études. Pour pallier ce problème, le Costic (Comité scientifique et technique des industries climatiques) a élaboré en juin 2019, en collaboration avec l’Ademe, un guide de dimensionnement des systèmes de production d’ECS en habitat individuel et collectif. Cependant, ce guide n’est pas simple d’utilisation et le chapitre traitant des PAC est incomplet. De fait, l’ICO (Ingénierie du Confort Objectif 2050) et l’AICVF (Association des ingénieurs et techniciens en Climatique, Ventilation et Froid) collaborent actuellement avec le Costic pour le compléter et élaborer des fiches d’application.

Dans ce contexte, quelles solutions devraient être le plus en vogue dans les années à venir ?

Les pompes à chaleur vont gagner du terrain notamment sur le marché du neuf car la RE2020 a été fortement poussée par le lobby électrique, alors que la RT2012 était plutôt en faveur du gaz. Dans ce domaine, les pompes à chaleur utilisant le CO2 comme fluide frigorigène représentent des solutions intéressantes. Elles peuvent produire de l’eau à forte température et le GWP de ce gaz est bien plus faible que celui des fluides classiquement utilisés. Certains industriels développement également des chaudières à hydrogène, qui pourraient représenter une alternative au tout électrique. Néanmoins, les technologies fonctionnant au gaz ont encore leur place, du moins durant les trois prochaines années avant l'entrée en vigueur de seuils plus restrictifs. Dans l’existant, la plupart des bâtiments fonctionnent encore avec de la chaufferie gaz classique pour la production d’ECS. Par ailleurs, les pompes à chaleur nécessitent souvent une énergie complémentaire, notamment lorsqu’il fait très froid, pour faire l’appoint en ECS. Mais, d’une façon générale, je ne pense pas que demain le marché sera mono énergie. Il y aura une mixité de technologies, fonctionnant avec différentes énergies. La mise en place de solutions hybrides devrait donc fortement se développer afin de permettre de profiter du meilleur tarif de l’énergie, selon les moments de la journée et les conditions climatiques.

Quid du solaire thermique ? Pourquoi cette technologie peine-t-elle à se développer en France ?

Cette technologie a été très utilisée entre les années 2005 et 2015 mais la filière n’était pas assez structurée, ce qui a abouti à beaucoup de contre-références avec des incompétences à tous les niveaux. Depuis, la filière s’est nettement professionnalisée mais il existe encore une grosse réticence de la part des maîtres d’ouvrage pour opter pour cette technologie. D’autant que le moteur de calcul de la RE2020 valorise mal les installations solaires. En revanche, le décret tertiaire pourrait encourager l’utilisation des capteurs solaires pour la production d’ECS, notamment dans les Ephad et bâtiments hospitaliers.

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