L’administration a décidé d’abaisser dans la RE2020 le coefficient d’énergie primaire de l’électricité de 2,58 à 2,3 et l’impact carbone du chauffage électrique de 210 gCO2/kW.h à 80 gCO2/kW.h. Cet arbitrage devrait signer le grand retour du radiateur électrique dans le neuf.

RE2020 semble pour certains rimer avec « Tout ça pour rien ? » Chez beaucoup de parties prenantes de l’élaboration de la successeuse de la RT2012, qui s’enthousiasmaient d’un processus d’élaboration ouvert et participatif, les 70 slides présentés le 7 novembre à vive allure par l’administration lors de la dernière réunion de concertation, sont tombés comme un couperet. Après avoir proposé au printemps, lors de la précédente réunion, un abaissement du coefficient d’énergie primaire de l’électricité de 2,58 aujourd’hui dans la RT 2012 à 2,1 demain dans la RE2020, ce qui avait engendré une levée de bouclier de la part de nombreux acteurs du génie climatique, l’administration a finalement décidé de l’établir à 2,3. Cet arbitrage de la DHUP et de la DGEC, bras armés des ministères de la transition écologique et solidaire et de la cohésion des territoires, prend ainsi des allures de cours de négociation : on ancre bas pour finir au milieu. « Faut-il le rappeler, le coefficient d’énergie primaire de l’électricité est une réalité physique, et non une valeur négociable. Pourquoi proposer 2,1, puis 2,3 ? Est-ce un marchandage ? », souligne Thierry Rieser, gérant du BE Enertech qui a activement participé aux travaux techniques préparatoires de la RE2020.

Le radiateur électrique de retour sur le ring

Ce dernier est d’autant plus inquiet qu’un autre arbitrage en faveur de l’électron vient compléter cette modification du coefficient d’énergie primaire : l’impact carbone du chauffage électrique de 210 gCO2/ kW.h dans le label E+C- à 80 gCO2/ kW.h, « Alors que le 80 gCO2/kW.h est une valeur proche de la moyenne annuelle des émissions carbone du mix énergétique français,la valeur de 210gCO2/kWh provient de la base Carbone de l’Ademe établie en 2013, et prend en compte le fait qu’en moyenne mensuelle hivernale le mix énergétique s’appuie sur un recours important aux énergies fossiles, à cause précisément du chauffage électrique. Nous ne comprenons pas ce qui justifierait physiquement d’abaisser ce coefficient dans la RE2020 », explique Thierry Rieser. Mais les explications de Thierry Reiser et de tous les signataires de la pétition intitulée « RE2020 : que reste-t-il du label E+C- » risquent fort de finir comme une bouteille à la mer. Lors d'un colloque organisé par l'Union française de l'électricité le 3 décembre dernier, la DGEC a clos le débat. Après avoir souligné que la RT2012 avait permis au gaz de passer de doubler sa pénétration dans les bâtimens neufs et de monter jusqu’à 75%" dans les logements collectifs Olivier David, chef de service du climat et de l'efficacité énergétique à la DGEC a indiqué que le temps était venu de « cesser d’avoir l’électricité honteuse ».

Chaudière gaz et PAC au tapis

Pour Thierry Rieser, si le souhait du gouvernement est de « décarboner le chauffage » en poussant des solutions électriques, nul besoin de faire mentir la physique. « La pompe à chaleur performante, c’est à dire avec un coefficient de performance (COP) annuel supérieur à 3, est déjà gagnante par rapport au gaz aussi bien côté énergie que carbone en prenant en compte les coefficients physiques actuels », souligne l’ingénieur qui redoute, qu'avec les nouvelles régles du jeu, la PAC soit mise KO par le radiateur électrique.

Du côté des fabricants d’équipements, on redoute également la victoire écrasante du radiateur électrique sur la chaudière gaz et la PAC dans le futur moteur de calcul de la RE2020. Et ces derniers ont conscience qu’ils ne pourront pas influer sur ce triomphe annoncé de l’effet Joule. Ils savent bien que leur place est dans les gradins et pas sur le terrain car le match à l’affiche de la RE2020 prend une fois encore une allure de derby entre énergéticiens. « Avant 2012 : “ électricité ”, de 2012 à 2020 : “ gaz ”, après 2020 : “ électricité ” ? Cette partie de “ pingpong ” est nuisible et stérile », juge Vincent Braire, président de Pouget Consultants, BE retenu pour simuler jusqu’à mars 2020 des dizaines de milliers de projets en vue d’établir les exigences de la RE2020. Pour ce dernier l’essentiel est ailleurs. « Le passage obligé est bien de concevoir à faibles besoins, grâce à une architecture bioclimatique et à l’isolation des façades. Il ne faut pas à avoir à reprendre durant les 30 prochaines années l’isolation des bâtiments qui vont sortir de terre avec la RE2020. Energéticiens et industriels progresseront dans ce contexte, autrement dit : pas de revanche mais des efforts conséquents et comparables pour les deux ». A entendre les dernières déclarations de la DG d’Engie Isabelle Kocher qui regrette de voir « pousser le grille-pain pour augmenter la facture des Français », pas sûr que les fournisseurs d’énergie déposent les gants si facilement…

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