La neutralité carbone souhaitée à l'horizon 2050 passera par un ensemble d'actions fortes pour maîtriser les consommations énergétiques tout en réduisant les émissions de gaz à effet de serre. La nécessité d'un mix énergétique plus équilibré avec une part plus importante de gaz vert dans les bâtiments fait partie des leviers envisageables pour atteindre les objectifs. Cette transition énergétique a déjà commencé. Au vu des nombreux projets déjà concrétisés ou à l'étude, cette dynamique témoigne de la bonne santé du gaz vert en France. D'autres solutions vont venir prêter main forte, notamment le power-to-gas et la pyrogazéification.

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La capacité de stockage du gaz naturel et sa grande flexi­bilité apparaissent actuelle­ment nécessaires pour passer les pointes d'hiver de chauffage et limiter le phénomène de« pointe électrique ».

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Le biogaz peut être valorisé de différente ma­nière : soit en utilisation locale en combustion directe pour produire de la chaleur, soit en cogénération pour produire de l'électricité, ou encore après un processus d'épuration pour produire du biométhane injectable dans le réseau de gaz naturel.

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Le power-to-gas repose sur le principe de l'électrolyse qui consiste à convertir de l'électricité d'origine renou­velable (solaire photovoltaïque, éolien) en hydrogène et/ou en gaz pour les stocker.

Les pays du monde se sont enga­gés, par l'accord de Paris, à réduire sévèrement leurs émissions de gaz à effet de serre. L'.objectif commun affiché est de limiter l'impact du réchauffement climatique causé par la production de gaz à effet de serre, dont environ 70 % provient de la consommation d'énergie fossile. La Stratégie nationale bas carbone (SNBC) décrit la feuille de route de la France pour réduire ses émissions de GES à l'horizon 2050. Cet objec­tif ne peut être atteint que s'il y a réduction des consommations des énergies les plus carbonées et subs­titution progressive des énergies fossiles par des énergies décarbo­nées. L'.accélération significative du rythme de développement des éner­gies renouvelables fait partie des objectifs forts de la PPE pour 2028. Parmi ces objectifs, il y a celui de porter le volume de biogaz injec­té de 14 à 22 TWh en 2028, contre 0,4 TWh en 2017. Le biogaz (injecté ou utilisé directement) représente­ra une part de 6 à 8 % de la consom­mation de gaz en 2028. GRDF a comme ambition d'atteindre 100 % de gaz vert d'ici à 2050.

LE GAZ EN QUELQUES CHIFFRES

Dans le secteur du bâtiment, le gaz assure environ 40 % des besoins de chauffage en France ; c'est presque une maison individuelle sur trois et un appartement sur deux. Le ver­dissement des sources d'approvi­sionnement du gaz se concrétise à partir de mai 2022 par la mise en place de 413 sites qui injectent du gaz vert en France (tous réseaux confondus) avec près de 7 TWh/ an de capacité de production, soit assez pour alimenter l'équiva­lent de 1 700 logements. Pour se rendre compte de cette dynamique, 152 sites d'injection de biométhane étaient en service en 2021.

À date, on comptabilise pas moins de 1 174 projets inscrits dans la file d'attente du registre de capacité biométhane. La transition éner-gétique et sa réussite reposeront notamment sur l'évolution du gaz vers du renouvelable, que ce soit pour le biométhane, le méthane de synthèse ou l'hydrogène. Les exploitants considèrent que les gi-sements potentiels de ces sources d'énergie décarbonées, estimés à 420 TWh à l'horizon 2050, pourront couvrir l'intégralité des consomma-tians de gaz pour tous les secteurs.

UN MIX ENERGETIQUE

Au-delà de sa facilité à être stocké, transporté et utilisé, le gaz naturel peut se targuer d'avoir comme autre atout principal une grande accessibilité des infrastructures de transport et de stockage. Avec un maillage extrêmement développé sur l'ensemble du territoire, le réseau est en capacité de stocker pas moins de 130 TWh, ce qui représente environ un tiers de la consommation annuelle.

La figure 1 montre que pendant la période hivernale, les besoins éner-gétiques en France sont en moyenne quatre fois plus élevés. La capacité de stockage du gaz naturel et sa grande flexibilité apparaissent ac-tuellement nécessaires pour les pointes d'hiver de chauffage et  passer limiter le phénomène de« pointe électrique». Il n'en reste pas moins que le gaz naturel est une énergie fossile carbonée qui va/doit progressive-ment être remplacée par du biogaz.

LES FILIERES DE PRODUCTION DE GAZ RENOUVELABLE

La méthanisation

Cette filière est apparue dans les années 2000, en raison notam-ment du soutien de la valorisation du biogaz. Environ 75 % des sites de production sont exploités par des agriculteurs. La méthanisa-tian est un procédé qui consiste à produire du biogaz en transfor-mant de la matière organique. Elle se distingue du compostage par le fait que cette dégradation de la matière fermentescible se passe en l'absence d'oxygène (digestion anaérobie). Avec une prédominante issue de l'agriculture, ces matières organiques dites « intrants» sont de natures variées. Côté réglemen-taire, l'arrêté du 23 novembre 2011 fixe la nature des intrants dans la production de biométhane pour l'injection dans les réseaux de gaz naturel. Le biométhane, destiné à être injecté dans les réseaux de gaz naturel, est produit à partir des in-trants suivants :

1. les déchets ménagers et assimi-lés en installation de stockage de déchets non dangereux;

2. les déchets non dangereux en digesteur:

  • biodéchets ou déchets ménagers,
  • déchets organiques agricoles (effluents d'élevage et déchets vé-gétaux),
  • déchets de la restauration hors foyer,
  • déchets organiques de l'industrie agro-alimentaire et des autres agro-industries ;

3. les produits agricoles en digesteur;

4. les matières telles que boues, graisses, liquides organiques, résultant du traitement des eaux usées et traitées en digesteur. Après avoir été triés et stockés, ces différents intrants sont transportés jusqu'au digesteur, sorte de grosse cuve utilisant le procédé de diges­tion anaérobie.



Reposant sur un processus biolo­gique, cette dégradation de la ma­tière, brassée et chauffée à environ 37 °c, est réalisée grâce à l'action de multiples micro-organismes. Le processus conduisant à la produc­tion de biogaz dure 40 à 60 jours. Ce biogaz ne peut être injecté en l'état et a besoin d'être épuré du C02 et des autres gaz solubles. Avant son injection dans le réseau de gaz, le biogaz doit être odorisé pour avoir les mêmes usages que le gaz naturel : chauffage, ECS, cuis­son, cogénération voire carburant.


Au final, deux sortes de composants sont produits : le biogaz, appelé biométhane après épuration, et le digestat. Ce dernier, riche en ma­tières organiques et en nutriments, permet aux sites agricoles de ré­duire le recours à des engrais d'ori­gine fossile en utilisant le digestat pour fertiliser leurs cultures. Ce sont donc là encore des dépenses en moins liées à l'achat d'engrais industriels. 
Le biogaz peut être valorisé de dif­férente manière : soit en utilisation locale en combustion directe pour produire de la chaleur, soit en cogé­nération pour produire de l'électri­cité, ou encore après un processus d'épuration, pour produire du bio­méthane injectable dans le réseau de gaz naturel.

La filière agricole peut également profiter, pour les fermes, de cette production locale sous forme de chaleur, et au passage faire di­minuer la facture énergétique de l'exploitation. La méthanisation per­met de traiter également certains déchets organiques comme les dé­chets graisseux ou humides compli­qués à composter, réduisant ainsi la quantité de déchets incinérables ou en décharge. En termes de coût, la méthanisation permet de diviser le prix de la tonne de déchet par deux en comparaison avec les solutions d'enfouissement ou d'incinération. Au-delà de pérenniser des emplois agricoles, les nombreux projets de méthaniseurs installés ou à venir sont des vecteurs d'emplois non négligeables, et ce dans plusieurs domaines à la fois : l'entretien des installations techniques, le trans­port, la logistique ...



La pyrogazéification

Ce procédé est un traitement ther­mochimique qui permet de convertir des matières organiques (biomasse et/ou déchets non recyclables) en combustible gazeux de synthèse appelé syngaz. Les intrants utilisés sont principalement secs, comme des plaquettes de bois, matières plastique, résidus de culture, pneus usagés, boues de station séchées et déchets non dangereux solides n'ayant pu être préalablement re­cyclés. Ces produits sont chauffés entre 400 et 1 500 °C en absence ou défaut d'oxygène.


Le syngaz peut être valorisé de plu­sieurs manières: utilisation directe dans certains processus industriels ou chaudières, cogénération pour produire chaleur et électricité, ou production de biométhane. Pour ce dernier point, le gaz de synthèse, afin de pouvoir être injecté dans le réseau, subit une phase d'épu­ration (suppression de polluants/ goudrons) et une phase de métha­nation pour transformer le syngaz en biométhane. 
Malgré le déploiement de certains projets, cette technologie est encore considérée comme émer­gente en France et elle intéresse particulièrement les gestionnaires de déchets cherchant à valoriser leurs gisements de matières parfois complexes à traiter.

Le power-to-gas

Le power-to-gas repose sur le prin­cipe de l'électrolyse. Cette électrolyse de l'eau permet de convertir de l'élec­tricité d'origine renouvelable (solaire photovoltaïque, éolien) en hydrogène.

Deux phases sont à distinguer

  • électrolyse de l'eau : séparation des molécules d'eau CH20) en oxy­gène (02) et hydrogène H2) ;
  • méthanation : conversion de l'hydrogène (H2 en biométhane : recombinaison de l'hydrogène (H2 avec une source de C02 pour refor­mer une molécule de méthane (CH4).

La méthanation permet ainsi de valoriser le C02 qui, par recombi­naison avec l'hydrogène, contribue à augmenter le volume de gaz de synthèse produit grâce au couplage d'un méthaniseur avec un électroly­seur. Le principe du power-to-gas est encourageant car, au-delà de produire du gaz et de l'hydrogène, il permet également de recycler du dioxyde de carbone, un des princi­paux gaz à effet de serre respon­sable du réchauffement climatique. L'.hydrogène peut être utilisé de fa­çons variées dans différents secteurs (transport, industrie, bâtiment) avec ou sans stockage. La dernière étape, celle de la méthanation, permet l'in­jection du CH4 produit dans les ré­seaux. La France possède plus d'une centaine de projets de production d'hydrogène par électrolyse, ce qui la fait passer dans une phase d'indus­trialisation. Selon l'Ademe, le power­to-gas pourrait couvrir près d'un tiers de la production de gaz renouvelable en 2050. L'.excédent de production d'électricité renouvelable se trouvera valorisé par l'action du power-to-gas qui permettra d'apporter une capaci­té de stockage intersaisonnier dans le réseau de gaz.

LES TRAVAUX EN COURS

La mobilité gaz

Au-delà des usages vus précédem­ment (chauffer, cuisiner .. .), le biogaz peut également être utilisé comme carburant (BioGNV). À l'heure où le prix du carburant est un véritable sujet de société, rouler au GNV, produit locale­ment à partir de déchets organiques, permet pour une flotte (d'entreprise ou de collectivité) de faire de réelles éco­nomies à la pompe tout en réduisant les rejets de C02. D'un point de vue technique, les moteurs compatibles ne produisent ni odeur ni fumée et sont deux fois moins bruyants qu'un moteur diesel. Les propriétaires de vé­hicules équipés de BioGNV peuvent circuler sans restriction dans les zones à faibles émissions.

Gaz vert - hydrogène : la filière travaille

En France, des travaux de recherche sont menés pour définir le pour­centage d'hydrogène pouvant être injecté dans les réseaux en mé­lange avec le gaz naturel. À l'essai dans des démonstrateurs avec une première injection en 2018 à 6 % d'hydrogène, on parle aujourd'hui de franchir le cap des 20 %.

L'UMGCCP s'intéresse au stockage de l'énergie/hydrogène

Chaque année, le programme de re­cherche et développement métier de la FFB finance des actions visant à préparer les métiers à l'arrivée de nouvelles réglementations ou de nou­veaux produits, réduire la sinistralité, améliorer la qualité tout en anticipant l'évolution des métiers. Cette année, l'UMGCCP a demandé une étude por­tant sur le stockage de l'énergie. On pense ici tout à la fois au stoc­kage de l'énergie électrique, de l'énergie thermique mais aussi à l'hydrogène. Cette étude aura pour objectif de dresser un état de l'offre sur les solutions de stockage et de pilotage intelligent disponibles à l'échelle du bâtiment et d'évaluer les opportunités de ce marché pour les entreprises.

LA METHANISATION : UNE REALITE EN SEINE ET MARNE

La ville de Saints a accueilli le 8 octobre 2021 les adhérents de la Fédération française du bâtiment Île-de-France Est pour découvrir lors d'une visite guidée le site de méthani­sation agricole Agri Métha Energy. Le souhait affiché était de rassembler entreprises et partenaires associés autour de la visite du méthaniseur, suivi d'une réunion d'actualité sur le thème« le gaz : une énergie d'avenir». De nombreux professionnels se sont mobilisés pour être présents durant cette journée placée sous le signe de la découverte. Parmi les parti­cipants figuraient le chargé de mission Énergie et climat du département de Seine-et-Marne, des chefs d'entreprise et leurs salariés mais également des représentants nationaux de GRDF, d'habitA+ et de l'UMGCCP-FFB.

30 tonnes traitées par jour

Après un accueil matinal, les participants ont pu effectuer une visite exclusive dans les entrailles du site du méthaniseur agricole. Cet ouvrage, géré par deux couples d'agri­culteurs du pays de Coulommiers, a pour vocation le traitement et la valorisation de résidus de cultures agricoles. Chaque jour, 30tonnes de résidus de cultures (pulpe de betterave, écarts de tri de céréales ...) ali­mentent le méthaniseur. Le « digesteur», enceinte fermée et privée d'oxygène, reçoit le mélange de matières organiques qui est ensuite chauffé à 40 °c et brassé 120 jours (figure 2).

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@DR
Figure 2 : le« digesteur» reçoit le mélange de matières organiques qui est ensuite chauffé à 40 °C et brassé 120 jours.

Le gaz ainsi produit est épuré, odorisé, désulfuré et déshydraté avant de deve­nir du biométhane, injecté ensuite dans le réseau de distribution de gaz naturel. La matière restante, le digestat, représen­tant 10 000 m3 chaque année, est stockée en fosse ouverte avant de servir d'engrais naturel permettant de nourrir 200 ha de culture (figure 3).

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@DR
Figure 3: le digestat est stocké en fosse ouverte avant de servir d'engrais naturel.

Article Extrait d'Eau & Confort 10 - Juin 2022

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