Le mariage mixte est annoncé pour le gaz.  Ce dernier a trois ans pour trouver son meilleur partenaire et ainsi garder une place de choix dans les logements collectifs. Si l'ajout du solaire thermique semble coûteux, la production hybridée de l'eau chaude sanitaire pourrait s'avérer être une solution d'avenir, quitte à produire du chauffage en dérivation.

Si la RE2020, qui doit s'appliquer dès janvier prochain sur les constructions neuves, risque de bouleverser le marché des solutions de CVC pour la maison individuelle dès son entrée en vigueur, le chamboulement dans les logements collectifs sera quant à lui décalé à 2025. Le ministère de la Transition écologique a en effet choisi d'instaurer des seuils de consommation d'énergie progressifs pour le résidentiel collectif afin de laisser un peu de répit au chauffage exclusif au gaz déjà éjecté de la maison individuelle dès 2022. En trois ans, donc, le fameux indicateur IC Énergie, qui calcule les émissions liées aux consommations d’énergie primaire du bâtiment, passera d'un seuil max de 14 kg CO2/an/m² à 6,5 kg CO2/an/m² en logement collectif. Et avec lui, impossible en 2025 pour le gaz tel qu'on le connaît actuellement de continuer à s'imposer à tous les étages. La volonté du gouvernement est une nouvelle fois affichée : se débarrasser des énergies fossiles dans les habitations.

« En 2025, si le gaz n'est pas couplé à une énergie renouvelable, il ne passera pas » confirme Nathalie Tchang, présidente du bureau d'études Tribu Énergie. Chez GRDF, on mise donc dans un premier temps sur la bataille politique qui oppose le distributeur et les pouvoirs publics dans la reconnaissance du gaz vert comme étant, justement, une énergie renouvelable. « C'est un dossier au long cours. En attendant, nous souhaitons trouver rapidement des solutions qui pourront être prescrites dès 2025 et même avant » confie Thomas Muller, responsable de la délégation technique développement au sein de GRDF. Et la première à laquelle on pense, qui a d'ailleurs été soufflée par le ministère de la Transition écologique lors de la présentation de la RE2020 en début d'année, est l'hybridation. En 2025, il faudra donc hybrider « au sens large » précise Thomas Muller.

Soleil pas si vert

Le premier reflèxe est de penser à l'apport du solaire pour verdir le gaz. Une solution pas forcément retenue par le responsable technique de GRDF. « En maison individuelle, moyennant un renforcement de l'isolation, le CESI pour assurer l'ECS pourrait renaître de ses cendres couplé à une chaudière gaz. En revanche, dans le collectif, le chauffe-eau solaire collectif ne plaît pas du tout aux maitres d'ouvrage pour des raisons d'équilibrage, les contre-références sont nombreuses. D'autant que produire uniquement l'eau chaude sanitaire grâce au solaire ne suffira pas pour passer les seuils. Il faudrait donc produire chauffage et ECS grâce au solaire thermique, avec un appoint gaz. Sans mauvais jeu de mots, le SSC c'est un peu l'usine à gaz. Je ne pressens pas cette solution comme étant la solution. »

Le syndicat Enerplan, qui regroupe les acteurs du solaire, a fait plancher le bureau d'études Pouget Consultants sur l'hybridation du gaz avec le solaire thermique (Voir p30-31). « La solution gaz + solaire pourra passer les seuils 2025 dans le collectif, constate David Lebannier, responsable activité Conseil au sein de Pouget Consultants, mais en atteignant des taux de couverture largement supérieurs à ceux rencontrés couramment actuellement, ce qui sous-entend d'ailleurs de mettre en place des solutions auto-vidangeables pour éviter la surchauffe. Dans ces conditions, la solution sera plus coûteuse qu'une hybridation gaz + PAC air/eau, et ne trouvera donc que peu de parts de marché.» La PAC air/eau serait-elle donc la seule carte verte possible pour que le gaz ne soit pas chassé du collectif ?

« C’est déjà aujourd’hui une solution relativement courante et disponible sur le marché depuis plusieurs années, remarque David Lebannier. En immeuble collectif, la PAC collective produit la majeure partie de l’ECS et une chaudière gaz fait l’appoint de l’ECS en plus de se charger de la totalité du chauffage. En renforçant un peu l’isolation du bâtiment, cette solution pourra passer les seuils de 2025. Et cet effort sur l’isolation restera compatible avec les solutions techniques courantes et n’engendrera pas de surcoût disqualifiant. » Un discours qui pourrait résonner chez les gaziers.

Relation de transition avec le CET sur air extrait

Pour l'instant, GRDF a, lui, mis une option sur un autre couplage, celui du chauffe-eau thermodynamique et de la chaudière gaz à condensation dans chaque appartement, solution qui pourrait sembler volumineuse. « En choisissant un CET avec un appoint gaz, l'encombrement est légèrement réduit, défend Thomas Muller. Le choix peut être fait sur un ballon de 100 L pour trouver plus facilement sa place. » Reste la problématique de l'air extérieur qu'il faut puiser puis rejeter, une contrainte architecturale qui pourrait complexifier le dossier. « Nous pourrions travailler sur des systèmes collectifs avec une extraction de l'air qui se ferait par le même conduit que celui de la chaudière, mais cela n'existe pas encore. En revanche, on maîtrise la technologie du CET sur air extrait d'une VMC. » GRDF se donne quelques mois avant d'expérimenter ce mariage mixte pour le chauffage au gaz. Un mariage qui pourrait être de courte durée car Thomas Muller et ses collègues souhaitent défendre une nouvelle idée, ou plutôt ressortir une solution « vieille comme le monde », des mots du responsable technique développement.

« En chaufferie collective, on conçoit souvent un système pour le chauffage et un autre pour la production d'ECS, avec des boucles haute et moyenne températures et souvent les déperditions et l'encombrement qui vont avec. Nous avons décidé de prendre le problème dans l'autre sens et de produire l'ECS en l'hybridant en chaufferie grâce au solaire ou à un CET, voire à la récupération d'énergies fatales, puis de venir la distribuer dans chaque appartement tout en faisant le chauffage en dérivation grâce à un module thermique d'appartement (MTA). Ainsi, une seule boucle d'eau circule, les pertes sont réduites au maximum. » L'idée est encore à l'essai mais a au moins le mérite de susciter l'intérêt des industriels et de stimuler l'innovation.

En attendant, pour pouvoir tout de suite se positionner dans les logements collectifs, le gaz pourrait revoir ses prétentions à la baisse en acceptant quelques unions moins valorisantes telles qu'une PAC air/eau pour le chauffage couplée à une chaudière gaz condensation pour la production d'ECS. « Ce n'est pas le plus élégant pour nous mais c'est une solution à court terme intéressante » concède Thomas Muller. Quant à savoir si le gaz ne perdra pas de sa superbe dans les logements collectifs, pour David Lebannier, l'énergie aura toujours des adorateurs. « Je pense que le parc se divisera en 50 % pompe à chaleur et 50 % hybride collectif. L’appoint gaz pourrait continuer d’être apprécié car il est maitrisé, notamment par les bailleurs qui voudront sécuriser la phase d'exploitation. »

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