Tous les industriels ou presque ont fait le choix, parfois contraint et forcé, ces dernières années du R32 dans les pompes à chaleur air/eau et air/air. Pourtant, les jours du fluide sont comptés au vu des réglementations européennes et déjà certaines solutions émergent. Qui gagnera le cœur des compresseurs entre fluides naturels et nouveaux HFC ? Chaque fabricant semble avoir sa stratégie pour l’après-R32, de quoi obliger les installateurs à avoir une palette encore plus étendue de bouteilles dans leur camionnette.

Y a-t-il un fluide pour remplacer le R32 ?

Quand vous feuilletez les catalogues des différents fabricants de pompes à chaleur air/air et air/eau, le R32 semble être le fluide frigorigène plébiscité par la majorité d’entre eux. Et pour cause, le HFC dispose d’un pouvoir de réchauffement global trois fois plus bas que son prédécesseur le R410a, de quoi contenter les ambitions européennes de la F-Gas. D’ailleurs, parler du R410a comme d’un prédécesseur est une erreur. Le R32 avait été créé pour remplacer le feu R22 qui détenait à l’époque le monopole thermodynamique mais appauvrissait la couche d’ozone, d’où sa sortie du marché au début des années 2000. Problème, quand le R32 est proposé par la filière, sa légère inflammabilité inquiète les professionnels, le R32 étant classé A2L. Est donc sorti du chapeau le R410a, mélange à 50 % de R32 et de R125. Sauf que, nouvelle ombre au tableau, le pouvoir de réchauffement global du R410a est de 2 088. Trouver le fluide parfait semble être une quête impossible.

Fluide de transition

« Il faut voir ces étapes comme des transitions vers toujours plus vertueux, analyse David Bioche, directeur marketing chez Hitachi cooling & heating France. Tous les fluides sont amenés à être remplacés par des moins impactants. On le savait pour le R410a, on le sait pour le R32 ». Effectivement, la fin du fluide est annoncée avec la F-Gas. La réglementation européenne doit d’ailleurs être révisée dans les prochains mois. La proposition de la Commission européenne du nouveau texte se fait attendre. Elle était annoncée pour cette fin d’année. Finalement, nous ne connaîtrons le nouveau positionnement de l’Europe qu’au printemps prochain. Suivront ensuite les différents votes au Parlement européen pour une adoption de la révision de la F-Gas, pas avant fin 2023. Alors sans divulguer la fin du film, certains indices laissent quand même penser que l’Europe veut aller vite, très vite, trop diront certains, pour sortir des HFC. Premier élément de réflexion, la révision de la F-Gas interdira pour les pompes à chaleur air/air de petites puissances l’utilisation d’un fluide dont le potentiel de réchauffement global est supérieur à 750. DG Clima, la branche de la commission européenne en charge de cette révision, avait même imaginé une interdiction des fluides au GWP supérieur à 150 ! Si l’idée semble pour l’instant mise de côté, la restriction d’un fluide au GWP inférieur à 750 ne sauve pas plus le R32, et ce, depuis peu. Le sixième rapport du Giec vient en effet de réévaluer à la hausse le potentiel de réchauffement global du fluide, passant de 677 à 771. La fin du R32 se rapproche donc un peu plus vite que ce que prévoyait la filière. Mais alors, qui pourra remplacer ce fluide qu’on savait de transition et qui pourtant prend de plus en plus de place sur le marche de la thermodynamique ?

Séduction au naturel

Une place cependant partagée pour l’instant avec d’autres réfrigérants, surtout pour les pompes à chaleur air/eau, où certains fabricants ont fait le choix de développer et commercialiser des produits fonctionnant au R290, le fameux propane. Ce fluide naturel permet, en plus d’avoir un potentiel de réchauffement global quasi nul, d’atteindre des températures de chauffe de l’eau autour de 70 °C, une solution présentée comme idéale en remplacement de chaudière fioul sans avoir à changer réseau et émetteurs. Chez Mitsubishi Electric Europe, les ingénieurs ont même développé des pompes à chaleur air/eau fonctionnant au CO2, fluide connu par les frigoristes mais un peu moins par les climaticiens. « Nous commercialisons une solution pour la production d’eau chaude sanitaire dans le collectif avec le CO2 comme réfrigérant, détaille Christel Mollé, directeur des affaires réglementaires et institutionnelles chez Mitsubishi Electric France. Au Royaume-Uni, nous avons même lancé une pompe à chaleur air/eau de petite puissance avec ce fluide naturel qui produit chauffage et ECS, mais elle n’est pas disponible sur le sol français car elle n’existe qu’en 4 kW ». Une puissance qui pourrait cependant suffire en maison neuve. Avec la RE2020, l’industriel pourrait donc revoir sa stratégie dans l’Hexagone. Pour David Bioche, la bascule vers les fluides naturels ne peut pas se faire sans un accompagnement de filière. « Le CO2, dont les Japonais raffolent pour les chauffe-eau thermodynamiques notamment, n’est pas assez maîtrisé en France. Mis à part en réfrigération, pour les applications domestiques, il faut savoir dompter des pressions élevées à 80, 100 bars. D’autant que, pour renforcer la sécurité, nous travaillons sur des liaisons presque quasiment tout le temps en monobloc, mais cela a un coût. Encore une fois, je ne suis pas sûr que le marché européen soit prêt ». Un marché pas mature, et des installateurs pas assez formés pour exploiter les fluides naturels. Mais c’est en train d’évoluer, justement parce que le propane devient une solution de plus en plus poussée par les industriels.

Relation explosive

S’il a beau gagner du terrain, le fluide ne remporte pas encore tous les suffrages, et pour cause, il est classé A3, car extrêmement inflammable. La technologie a beau être exploitée pour la pompe à chaleur air / eau, c’est une autre histoire quand on parle de split. « La partie sécurité est très importante, insiste Frédéric Pignard, directeur RSE chez Daikin et membre de l’AFCE. Nous avons actuellement 200 splits au propane qui tournent depuis dix ans au Japon pour des tests, afin de vérifier l’efficacité promise. Nous savons le fabriquer, il y a très peu de différence avec les splits actuels. Et tant que le fluide est maintenu dans l’unité extérieure, l’installation, avec l’utilisation de raccords flare étanches brasés, reste sans danger. Le problème reste la maintenance. Dès qu’il y a une panne, les techniciens n’ont pas la formation, ni le référentiel. Sans parler du recyclage des fluides explosifs, qui n’est pas encore suffisamment maîtrisé ». Pour Christel Mollé, le R290 a tellement d’avantages qu’il ne faudrait pas passer à côté, même pour les pompes à chaleur air/air. « La seule question à se poser en utilisant un fluide de catégorie A3 est de savoir si on reste en solution split ? Le propane reste un fluide extrêmement généreux, il ne nécessite qu’une très faible quantité pour produire des frigories ou calories, il n’y a pas besoin de grosse charge dans l’appareil pour atteindre plusieurs kW de puissance ». Néanmoins, et tous les industriels sont d’accord avec ce point de vue, il faudra être très prudent sur le terrain et accompagner la filière pour qu’elle s’empare de ce fluide naturel. « Hier, les installateurs et gérants de PME ne se voyaient pas du tout envoyer leurs équipes poser des équipements au R32 parce qu’il est A2L. Désormais, c’est chose courante, mais il a fallu les rassurer et les former. L’étape sera la même avec les fluides naturels explosifs. Si on respecte les règles de sécurité, il n’y a pas de crainte à avoir ».

HFO d’avenir ?

Un avis que partage David Bioche. « La filière doit s’organiser pour appréhender ces fluides naturels, pour la formation des installateurs et mainteneurs, mais également la logistique incluant transport et stockage ». Chez Hitachi cooling & heating France, on mise d’ailleurs sur un autre cheval pour l’après-R32. « Des solutions ont déjà été développées pour la climatisation des voitures avec le 1234yf en pur ou mélangé. Son GWP est de 4, donc très avantageux, il est classé A2L, donc on ne change pas les pratiques par rapport au R32. Le fluide est beaucoup plus accessible pour la filière, il n’y a pas de bascule brute comme avec un fluide naturel » estime le directeur marketing, convaincu par la prochaine émergence de ce nouvel HFO, dont l’efficacité en chaud et froid est pourtant discutée chez ses confrères. Daikin a d’ailleurs décidé d’améliorer ce HFO avec une recette maison, dévoilée en partie cet été. Le D1V140, mélange à 77 % de 1234yf et pour le reste du mystérieux HFO1332 (E) développé par le fabricant. « Ce nouveau fluide a des propriétés thermodynamiques très bonnes aussi bien en froid qu’en chaud » justifie Frédéric Pignard. Il est pour l’instant présenté pour les voitures électriques, mais pas sûr qu’on le voit tout de suite dans les pompes à chaleur air/air. « Dans un équipement actuel, le compresseur et l’échangeur seraient monstrueusement énormes, ce ne serait pas vendable» concède le directeur RSE de Daikin France.

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Les industriels n’ont donc pas encore trouvé la solution miracle qui remplacera en tous points le R32. Problème, le temps file. Le fluide devrait avoir au mieux jusqu’à 2030 pour briller selon la F-Gas. Et plus la filière tarde, plus les contraintes sont importantes. Le Parlement européen vient d’ailleurs de déposer une proposition à la COP26 pour accélérer, non pas le phase-down qui annonçait une réduction progressive de l’utilisation des HFC, mais bien le phase-out, pour donc en sortir complètement. Reste à savoir si les installateurs et mainteneurs n’en auront pas marre de jouer à l’épicier avec toutes ces bouteilles de fluides dans leur camionnette. Ne tient qu’à eux de se perfectionner dans la manipulation et l’appréhension des fluides naturels, vraisemblablement l’avenir de la thermodynamique.

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