Gilles Bourquin, gérant de Clim Denfert basé à Paris, reprend petit à petit les chantiers depuis début avril.

Pourquoi avez-vous décidé de reprendre l'activité ?

Nous avions tout arrêté au 17 mars, parce que nous n'avions aucun moyen de mettre nos employés en sécurité, et, soyons honnêtes, les clients nous appelaient pour reporter les chantiers. Seul le responsable SAV continuait de travailler, il disposait de masques fournis par sa femme qui travaille en laboratoire. Et puis, au 1er avril, mes gars m'ont fait comprendre qu'ils voulaient à nouveau bosser, qu'ils ne voulaient pas perdre d'argent, et que les chantiers semblaient s'organiser à nouveau pour redémarrer. Le 6 avril, donc avant l'intervention d'Emmanuel Macron annonçant le déconfinement au 11 mai, nous avons donc décidé de programmer pour une reprise totale, justement à partir du 11 mai !

Nous avons donc pu faire démarrer quatre équipes, sur base de volontariat des techniciens, et en priorité ceux qui vivent seuls, sans enfant, ou n'ont pas de transport en commun, ce qui n'est pas évident en région parisienne en ce moment ! J'ai donc prêté un camion à l’un ou à l’autre, et nous avons pu relancer l'activité le 14 avril, avec gants et visières, dont nous disposions déjà, mais surtout masques et gel hydroalcoolique en grande quantité. Et pour faire les choses correctement, nous avons réalisé un protocole de reprise d'activité, signé par les employés, ainsi qu'un nouveau document unique d'évaluation des risques. Tous les camions ont également été équipés d'une cloison en plexiglass entre le conducteur et le passager pour assurer la sécurité de chacun.

Ces investissements doivent représenter un coup ! Comment arrivez-vous à les "amortir" ?

C'est évident ! Sur toutes interventions SAV, nous avons décidé de facturer 10 € de plus, sur la main d’ouvre journalière, nous allons augmenter le coût de 20 à 30 €. On ne va pas taper 20 % de plus à nos clients, même si c’est le surcoût réel, cela ferait trop pour nos clients ! Mes gars travaillent forcément moins vite à cause des précautions sanitaires à suivre. Porter gants et masques, et se laver les mains très régulièrement leur font perdre un peu de temps, c'est sûr, mais mes techniciens sont très volontaires. Parfois, comme ils ne mettent pas une heure et demi à rentrer chez eux, parce que ça roule, mais plutôt une demi-heure, ils vont alors rester un peu plus tard chez le client.

Les clients vous ont donc rouvert leur porte ?

Nous sommes basés à Paris, et depuis le début du confinement, il faut dire que la capitale s'est un peu vidée ! Nous pouvons donc facilement faire des travaux chez les particuliers qui sont partis en province. Certains également habitent de grands appartements, et peuvent s'isoler dans une partie du logement pendant que mes gars installent la clim dans une autre. Après, j'ai beaucoup de clients âgés, je leur ai donc dit que par précaution, nous ne viendrons pas chez eux avant le 1er juin. Quant aux nouveaux clients qui appellent, je leur explique que nous sommes disponibles entre maintenant et le 11 mai, mais qu'après, le calendrier reprend. Je les presse un peu, mais ça fonctionne. Et puis, il ne faut pas se mentir, j'ai aussi parmi mes clients des artistes, des intermittents du spectacle, qui malheureusement ne savent pas de quoi leur avenir professionnel sera fait. Donc, par précaution, ils préfèrent annuler ou reporter leurs travaux.

Qu'en est-il de votre autre clientèle, les commerces et les hôtels ?

Pour eux aussi, l'avenir est incertain. Les hôtels repoussent les chantiers à septembre, pas avant. Certains restaurants se demandent même s'il est judicieux d'installer une clim alors qu'ils n'auront pas de clients...

Comment pensez-vous ressortir de cette crise ?

Je pense que nous avons perdu 20 % de notre CA, et comme je ne sous-traite pas, je ne pourrai pas rattraper le retard. Mon seul avantage est que mes gars sont très volontaires, nous sommes une entreprise familiale de plus de 50 ans, j'ai confiance en eux, je sais que je pourrai compter sur eux, même cet été. Certains ne vont presque pas partir en vacances, nous pourrons donc continuer les chantiers en août.

Si nous connaissons une canicule comme l'an dernier, en 2021, nous ne sentirons pas les conséquences de cette crise. En revanche, si ce n'est pas le cas, l'hiver sera rude. Heureusement, cela fait quatre ans que le chiffre augmente énormément, j’avais pris 10 points l’an dernier, j’allais faire de même cette année, nous ne sommes donc pas en péril. Et puis, à Paris, le printemps est assez doux, il fait déjà 24°C fin avril, j'ai déjà des clients qui n’avaient pas prévu de climatiser toutes les pièces et qui, avec le confinement, revoient à la hausse leur investissement.

Que pensez-vous de cette étude publiée dans Emerging Infectious Diseases sur la propagation du Covid-19 favorisée par la climatisation ?

Ce genre de messages fait beaucoup de mal à la profession ! D'autant que, pour l'instant, rien n'a été confirmé. L'étude portait sur la propagation du virus dans un restaurant en Chine, donc un espace confiné. Par précaution, j'ai quand même rassuré mes clients restaurateurs. Si un cas de Covid-19 était avéré au sein de leur établisssement, j'ai promis que nous viendrons désinfecter le système de climatisation.