Mélanie Jourdain, porte-parole de l'EFCTC, comité technique européen sur le fluocarbone, attend avec impatience l'entrée en vigueur du dispositif " single window " à chaque importation de HFC sur le sol européen.

Selon vous, combien de volumes de HFC sont importés de manière illégale en Europe ?

L'ampleur exacte du phénomène reste inconnue. En 2018, l'EIA estimait déjà le nombre d'importations illégales sur le vieux continent à environ 16,3 millions de tonnes équivalent CO2. En avril dernier, la société privée d’investigation Kroll, missionnée par l’EFCTC, a publié les conclusions de son enquête, qui montrent que ce phénomène pourrait représenter près de  4,7 millions de tonnes équivalent CO2. À ce moment-là, nous nous sommes dits qu'il ne s'agissait que de la partie visible de l'iceberg, et qu'une étude approfondie des flux pouvait révéler l'ampleur de ce marché noir.

C'est pourquoi nous avons demandé à Oxera d'analyser  les statistiques des flux de produits, de la Chine directement vers l'Europe, et de la Chine vers les pays voisins de l’Europe, en comparant les chiffres Eurostat et les données d’exportation de la Chine. Et le constat est alarmant. Selon notre analyse, un tiers des volumes HFC importés en Europe pourraient être issus du commerce illégal, soit 34 millions de tonnes équivalent CO2, 19 millions provenant du flux direct Chine - Europe, et 15 millions du flux indirect, via les pays limitrophes à l'Europe.

Comment expliquez-vous cette part importante que représente le marché noir de HFC ?

La mise en place de quotas à travers la réglementation européenne a, d'une part, créé une incitation à utiliser des fluides dont les émissions de carbone sont plus basses, mais d'autre part, a généré ces importations illégales, rendues faisables car les contrôles aux douanes ne sont pas adaptés.

Comment faire pour limiter ce commerce illégal ?

Ce qui est sûr, c'est qu'il est urgent d'agir ! L'EFCTC s'est mobilisé très tôt pour combattre ce marché noir. Nous militons notamment pour une réelle coopération tout au long de la chaîne de valeur, des industries mais aussi des États membres. Les pénalités à travers l'Europe ne sont pas suffisamment dissuasives. Nous attendons également avec impatience une meilleure coordination des douanes, pour vérifier en temps réel si l'import des HFC est en hors quotas ou non. Nous poussons pour que le projet informatique " single window " décidé par la commission européenne voit le jour le plus vite possible. Et avec la nouvelle phase de la réglementation F-gas qui doit encore réduire les quotas dès début 2021, le temps presse !