Johanna Tamietti-Richert, chauffagiste à Dignes-les-Bains (04) et présidente de région Alpes-de-Haute-Provence de l'UMGCCP-FFB, s'est confiée à Génie Climatique Magazine sur la fin du coup de pouce CEE pour les chaudières gaz, la RE2020 et l'interdiction d'installer des chaudières fioul en 2022.

Comment s’est passé ce début d’année ?

Nous croulons sous les demandes, c'est du jamais vu ! Le manque de personnel ne nous permet pas de faire face a cette augmentation, il faut donc faire patienter les clients. Le taux de transformation des devis n’est d'ailleurs pas en augmentation. Les clients sont impatients face aux délais que nous leur proposons et inquiets que les aides auxquelles ils ont droit soient modifiées ou supprimées.

Justement, craignez-vous l'arrêt du coup de pouce sur les CEE pour les chaudières gaz ?

Bien évidemment ! Les aides ne sont déjà pas très glorieuses pour cette technologie… Une disparition du coup de pouce CEE sur les chaudières gaz serait encore un peu plus problématique. D’autant que nous rencontrons déjà des difficultés à vendre les solutions gaz depuis les erreurs de communication faites sur la fin du chauffage au gaz dans le neuf. Cela a généré beaucoup d’amalgames dans la tête des clients !

Que pensez-vous du projet d’arrêté sur l’interdiction d’installer des chaudières fioul en 2022 (dont émission CO2 dépasse les 250gCO2/kWh) ?

Il y a, encore une fois, un problème de la communication. Les gens ont compris la fin du fioul tout court ! Ensuite, on ne sait pas encore grand chose sur ce fameux biofioul qui permettra de réduire les émissions de CO2. Une fois ce biocarburant disponible, cela engendrera des conséquences lourdes sur les installations avec le plus souvent une obligation de dépollution de la cuve voire même son remplacement avant de pouvoir utiliser le biofioul ou une chaudière biofioul compatible. Cela fait augmenter encore un peu plus le coût de ses travaux. Je ne suis pas sûre que tous les Français chauffés au fioul pourront se le permettre. Et encore une fois, les particularités du territoire font qu'il ne sera pas possible de se passer du chauffage au fioul partout. C'est bien d'inciter financièrement pour passer à la pompe à chaleur, mais clairement, le tout électrique n'est à mon avis pas une bonne stratégie. La clé réside dans la mixité énergétique.

Comment imaginez-vous le reste de l’année ?

En toute honnêteté, j’ai du mal à me projeter. Pour la première fois depuis longtemps les demandes et le carnet de commandes sont plutôt bien remplis, mais le problème c’est la durée. Je ne sais pas combien de temps va durer cet engouement. L’instabilité des aides financières à la rénovation énergétique nous empêche de voir loin, particuliers comme artisans. Les clients ne peuvent plus prévoir leurs travaux plusieurs mois à l’avance, ils veulent qu'ils soient réalisés au plus vite pour bénéficier des aides avant qu'elles ne disparaissent. Et nous, on se retrouve le couteau sous la gorge, à devoir travailler dans l'urgence pour contenter le client ! Je crains que certaines entreprises, pour ne pas refuser des chantiers, se mettent en mauvaise posture. L'avenir nous le dira.