Pourquoi avez-vous décidé de mettre vos salariés à l'arrêt ?
Un de mes techniciens a commencé à avoir peur, quelques jours avant le début du confinement. Il n'était pas serein sur le terrain. Puis, ce sentiment s'est généralisé auprès des autres employés. J'ai donc décidé de les mettre au chômage partiel, mais j'ai encore peur que l'Etat ne tienne pas ses promesses et ne me rembourse pas les salaires versés. Surtout quand vous entendez les interventions de Muriel Pénicaud, qui prêche tout et son contraire ! Finalement, ce qui me rassure un peu, c'est que je ne suis pas le seul dans cette situation. Beaucoup d'autres artisans ont également mis leurs employés au chômage partiel.
Craignez-vous la faillite ?
Toute entreprise est faillible. Je suis quand même optimiste, notre trésorerie permet de voir sereinement les six prochains mois, encore une fois, si le chômage partiel est pris en charge par l'Etat. Je suis cependant solidaire de certains confrères qui, eux, ne tiendront qu'un mois dans cette situation. Si jamais je devais mettre la clé sous la porte, je repartirais de presque zéro, en comptant sur mon réseau pour reconstruire un business.
Justement, pourquoi avoir fait appel à votre réseau sur Facebook pour obtenir des masques ?
Parce que c'est la galère pour en trouver ! Je continue d'assurer les dépannages sur les chaudières de clients. Et depuis le début du confinement, je me débrouille avec un seul masque. Autant vous dire que j'ai l'air de sortir de la mine tellement il est noir ! J'ai demandé aux pharmacies autour de chez moi, en vain. Et sur Internet, la livraison est annoncée pas avant mi-mai... Si je veux respecter les gestes barrières lors de mes interventions, il faut me donner les moyens ! Heureusement, j'ai un voisin réparateur de télévisions qui pourra peut-être m'aider.
Que pensez-vous du guide des bonnes pratiques sur le chantier que doit publier prochainement l'OPPBTP ?
Je crois que les clients chez qui nous allons doivent aussi être responsables. Jusqu'à présent, j'ai été reçu par des particuliers très précautionneux, qui m'accueillent avec masques et gants, qui restent loin de moi. Et puis il y a les fameux clients qui restent, comme d'habitude, dans votre caisse à outils. Ils sont à côté de moi, à me montrer où est la fuite, à me proposer un café, à vouloir papoter ! C'est parfois un peu irréel.
Pourquoi alors ne pas vous arrêter aussi de travailler ?
C'est mon entreprise, je me dois de garantir un service minimum. Et j'ai des clients qui connaissent des vraies galères. Ce matin, à Poitiers, alors qu'il faisait à peine 3 °C, j'ai été réparer la chaudière d'un particulier qui était ravi de m'accueillir ! Ici, l'hiver n'est pas terminé, je ne peux pas laisser les gens dans la galère.
Comment imaginez-vous l'après ?
Nous allons lisser l'activité sur les prochains mois. Tous les entretiens que nous n'avons pas eu le temps de réaliser vont être reprogrammés. D'habitude, nous les chauffagistes n'avons pas une activité débordante une fois le printemps arrivé, et jusqu'à juillet. Je pense que, cette année, nous n'aurons pas à relancer nos clients. Ils viendront d'eux-mêmes.