
Le frère Michel et Adrien Haller à sa gauche
L’abbaye de Timadeuc était, jusqu’à il y a encore quelques mois, chauffée avec une chaudière au fioul lourd de 1 200 kW. L’équipement semblant immortel mais polluant, et l’approvisionnement de plus en plus compliqué, les moines décident dans les années 90, bien en amont des volontés gouvernementales actuelles de supprimer les chaudières fioul, de faire un audit énergétique. À l’époque, déjà, l’étude prônait la biomasse comme solution idéale pour l’abbaye. Il faut dire qu’elle dispose de 20 ha de bois, de quoi fournir 20 % des besoins en bois déchiqueté. Courant 2007, les activités économiques de l’abbaye se développent. Entre l’affinage de 110 tonnes de fromages par an, la production de 13 tonnes de pâtes de fruit et une hôtellerie de 41 chambres, l’abbaye se retrouve à consommer près de 800 MWh par an pour le chauffage et l’eau chaude sanitaire, soit l’équivalent de 250 tonnes de plaquettes ou 70 tonnes de fioul par an. Il fallait donc trouver une solution d’implantation qui permette d’optimiser la livraison du bois. Après un nouvel audit plus axé sur la biomasse, la solution d’enterrer le silo ne convainc pas les moines cisterciens. Pour cause, en plus des difficultés de livraison, l’installation risquait de dénaturer le site et le taux d’humidité dans le silo aurait été trop important. Les années filent, et alors que, comme le dit Frère Michel, les moines attendent que la grâce passe, ils rencontrent en 2017 Adrien Haller, gérant de l’entreprise de conception et d’installation AHCS, qui leur propose d’intégrer le silo au bâti existant, et d’y installer un toploader, littéralement chargeur par le haut. C’est la révélation.
Le miracle du silo caché
Pour ne pas dénaturer l’existant, l’installateur a décidé d’exploiter un ancien préau, dans lequel il a construit deux murs en béton, tous deux équipés de rails juste en dessous du plafond, rails qui supportent ce fameux peigne racleur, le toploader. Adrien Haller en a profité pour faire les enrobés, afin de consolider l’entrée du silo, dont le volume utile est de 300 m3. Le système de toploader, encore jamais mis en oeuvre dans l’ouest de la France, est couramment utilisé aux Pays-Bas pour retourner le terreau et faire tomber les bulbes de tulipes. Ici, le principe est quasiment le même. Le toploader vient racler le tas de bois en le remontant pour l’amener vers le convoyeur à vis de la chaudière. Une technologie d’extraction qui cumule les avantages : peu de génie civil, exploitation et maintenance simplifiées du fait de la hauteur des éléments, et sol carrossable pour permettre aux semi-remorques de rentrer dans le silo et livrer au plus loin.
Une chaudière bénie
Autre particularité de l’installation, il fallait chauffer 15 000 m² de plancher, avec forte hauteur sous plafonds, en plus de l’eau chaude et de l’eau de lavage pour l’affinage des fromages. Le choix d’Adrien Haller s’est porté sur une chaudière Heizomat 400 kW à ramonage et décendrage automatiques permanents. L’équipement doit permettre de couvrir 90 % des besoins annuels, soit 740 MWh. Ici, l’architecture horizontale de la chaudière ne laisse pas le temps aux poussières de se déposer, et l’émission de fumée est naturellement filtrée par la gravité. Pour plus d’économie, la chaudière est également en feu continu, elle permet de garder l’eau à une température autour de 70 °C, et évite donc au corps de chauffe de vieillir trop vite. Un emplacement a été laissé vacant sur le conduit de fumée afin d’y fixer un filtre électrostatique. En cas de durcissement à venir de la réglementation par exemple, il permettrait de diminuer encore les émissions de particules fines. Mais la chaudière est avant tout adaptable. À terme, les moines ne seront pas obligés d’utiliser uniquement du bois et ils envisagent de le remplacer au moins en partie par du miscanthus, un combustible semblable à la paille, qu’ils feront pousser sur les terres de l’abbaye.
Compassion pour le fioul
Si l’installation semble avoir été réalisée sans grande difficulté, la complexité résidait surtout dans le « recyclage » de la cuve de fioul lourd de 80 000 L, présente sur l’abbaye depuis plus de 30 ans. Elle a finalement été conservée sur le site, dépolluée, sablée et peinte, et servira de réserve incendie. Le fioul sera utilisé en cas de forte demande pour environ 10 % des besoins annuels de l’abbaye, la plus récente des deux chaudières existantes ayant été équipée d’un brûleur neuf au fioul ordinaire.
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Fiche technique
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Equipements
Chaudière biomasse 400 kW avec silo équipé d’un toploader
Postes couverts
Chauffage et ECS (environ 15 000 m²)
Exploitation
Depuis l’automne 2018
Acteurs
Maître d’ouvrage : Communauté Notre-Dame de Timadeuc
Concepteur-installateur de la chaufferie :
AHCS
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