
Implantés sur la presqu’île de Grenoble, les deux immeubles de logements à énergie positive ABC ont pour objectif de fonctionner l'équivalent de 250 jours par an sans aucun apport énergétique extérieur. La plus grande partie de l'électricité proviendra des voiles photovoltaïques associés à des batteries lithium de forte capacité. Les calories contenues dans les eaux grises y seront par ailleurs valorisées par une pompe à chaleur qui préparera l'eau chaude sanitaire à partir d'une forte proportion d'eau de pluie. De quoi réduire fortement l'impact environnemental de l'ouvrage ainsi que les charges des ménages.
Début 2020, lorsque Linkcity Sud-Est (filiale développement immobilier de Bouygues Construction) livrera le démonstrateur ABC (Autonomous Building for Citizens) au bailleur Grenoble Habitat, la capitale iséroise pourra s'enorgueillir d'une réalisation sans équivalent (au moins en France) dans le domaine du logement. Situés sur le secteur Cambridge de la ZAC Presqu'île, ces deux bâtiments de 42 et 20 logements, dont la construction a démarré en juillet 2018, sont des Bepos. Mais des Bepos qui, non contents de produire plus d'électricité qu'ils n'en consomment, visent une réelle autonomie énergétique durant l'essentiel de l'année. « L'objectif de ce démonstrateur est de fonctionner en autoconsommation 70% du temps », indique Laurent Bousquet, directeur-adjoint technique en charge du pôle habitat chez Bouygues Bâtiment Sud-Est.

Abondance de photovoltaïque
Cette volonté de moins dépendre de l'extérieur ne concerne d'ailleurs pas seulement l'énergie, mais aussi l'eau de ville, puisque l'ambition est en l’occurrence de diviser la consommation par trois ou presque. Initié par la R&D de Bouygues Construction dès 2012 et concrétisé à Grenoble avec le concours de Suez et de Valode et Pistre architectes, le concept ABC met en œuvre à la fois des principes d'économie, de récupération et de recyclage. Sur la toiture-terrasse de chaque immeuble, montés sur des structures métalliques, 1 100 m2 de panneaux photovoltaïques produiront chaque année quelque 288 MWh d'après les estimations, alors que 258 MWh devraient en principe suffire aux besoins.
Pour maximiser l'utilisation interne de l'électricité produite par ces panneaux, et par conséquent réduire au strict nécessaire les opérations d'achat et de revente sur le réseau public, ce démonstrateur sera doté de batteries lithium de forte capacité – 340 kWh environ – et d'un système de gestion intelligente de l'énergie. « Il analysera l'évolution de la différence entre la production photovoltaïque et la consommation des bâtiments afin d'optimiser la stratégie de stockage en fonction des circonstances et du niveau déjà atteint dans les batteries », explique Laurent Bousquet. Grâce à une isolation du bâtiment assurée par 20 cm de liège, à un triple vitrage et à l’installation de VMC double-flux individuelles, les besoins nécessaires au fonctionnement des radiateurs électriques (29 MWh) ne devraient représenter qu'à peine 11% de la consommation électrique totale.
Halte au gaspi
La production d'eau chaude sanitaire s'effectuera elle aussi avec une grande sobriété, à la fois en électricité et en eau potable. L'eau de pluie collectée sur les voiles photovoltaïques sera récupérée dans des bâches de 120 m3 et 60 m3. Conduite jusqu'à un local technique situé au rez-de chaussée du bâtiment de 42 logements, cette eau gratuite y fera l'objet d'un traitement particulier développé par Suez et qui la débarrassera de toutes les impuretés ou traces de pollution qu'elle pourrait contenir. Elle sera ensuite stockée dans un ballon d'où elle sera prélevée pour alimenter le réseau d'eau potable des immeubles après mélange avec de l'eau de ville. « L'eau de pluie ainsi traitée ne contient pas suffisamment de minéraux pour être consommée telle quelle, c'est pourquoi sa proportion doit être ramenée à un tiers dans le mélange distribué », précise Laurent Bousquet.
C'est ce mélange, présent dans tout le réseau sauf dans les toilettes et à quelques points de puisage, qui va servir à préparer l'eau chaude sanitaire via le recyclage de la chaleur contenue dans les eaux usées domestiques. « Les lave-linge, lave-vaisselle, douches et autres lavabos évacuent 8 à 9 m3 d'eau à une trentaine de degrés Celsius par jour », comptabilise le directeur-adjoint technique de Bouygues Bâtiment Sud-Est. Ces eaux grises convergeront à nouveau dans le local technique en vue de deux actions différentes. « La plus grande partie de ce volume – 5 m3 environ – sera acheminée vers une PAC Facteur 7® de Solaronics Chauffage qui en valorisera la chaleur avec un COP de 6,4 pour monter à 58°C la température du mélange d'eau de ville et d'eau de pluie traitée. Le reste – 4 m3 environ – subira une épuration moins poussée que la précédente, mais suffisante pour son ré-emploi dans les toilettes avant évacuation directe dans le réseau d'assainissement. »
Les eaux grises en sortie de la pompe à chaleur, du fait d'une température finale – 5°C environ – insuffisante pour procéder au traitement qui rendrait sa valorisation possible, iront elles directement dans le réseau d'assainissement. Malgré tout, la récupération de l'eau de pluie et le recyclage des eaux grises avant utilisation dans les toilettes – 35% des dépenses d'eau d'un ménage en moyenne – devraient conduire à diviser la consommation d'eau de ville par 2,6 ou 2,7. Des chiffres à confirmer toutefois à l'issue d'une période d'expérimentation de cinq ans durant lesquels des comparaisons seront effectuées avec un bâtiment analogue – aux équipements techniques près – dont la construction va elle aussi démarrer à proximité du projet ABC.

Fiche technique
Grenoble (Isère)
Équipements :
Pompe à chaleur PAC Facteur 7® de Solaronics Chauffage (avec récupération d'énergie sur les eaux grises), VMC double flux individuelles et radiateurs électriques
Postes couverts
Chauffage, ventilation et ECS
Acteurs
Maître d'ouvrage : Linkcity Sud-Est
Conception-Construction : Bouygues Bâtiment Sud-Est et Suez
Architecte : Valode et Pistre
Propriétaire exploitant de l'immeuble : Grenoble Habitat
Propriétaire exploitant de la ferme photovoltaïque : GEG (Gaz Électricité de Grenoble)
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