Perpignan (66)

L'usine Cémoi de Perpignan fond son chocolat à la chaleur fatale

Si la hausse du prix des énergies est pénalisante pour le particulier, elle l'est tout autant pour l'industriel. Avant même de subir la crise énergétique que nous vivons, le groupe Cémoi a cherché en 2018 à réaliser des économies d'énergie sur ses sites industriels afin de sauver quelques euros. La motivation est née de Stéphane Joubert, responsable de projets techniques au sein du groupe. Celui qui est également référent énergie dans l'entreprise voyait dans le dispositif des CEE une aubaine pour réaliser des travaux de rénovation des installations de froid et de chauffage à moindre coût. Une opportunité que tous ne partageaient pas en interne. " La première étape est de réussir à convaincre la direction générale, confie-t-il. J'ai eu un argument qui a fait mouche auprès du PDG de l'époque. Je lui ai demandé si ça lui plairait de prendre 3 millions d'euros à EDF. Forcément, il était partant ! " Et ces 3 millions d'euros auxquels Stéphane Joubert fait référence ne sont autres que les CEE, ces fameux certificats d'économies d'énergie que les pollueurs-payeurs s'engagent à payer en contrepartie de leurs activités.

Une réno à zéro euro

Parce que si le groupe Cémoi a pu remettre à neuf son installation, il a réussi à le faire en ne déboursant que très peu par rapport à la mise de départ. La nouvelle installation coûtait 13 millions d'euros, mais les CEE ont couvert plus de 10 millions d'euros. Pour réaliser ce tour de passe-passe, le chocolatier a su s'entourer d'un professionnel en la matière, Certinergy, spécialisé dans l'accompagnement des industriels dans leur transition énergétique. " Nous essayons d’identifier les gisements d’énergie chez nos partenaires, explique Nicolas Navarre, responsable du service business développement. Une fois le contrat-cadre signé avec Cémoi, nous avons identifié un gisement sur le site de Perpignan. " Construite en 2008, l'usine était pourtant assez récente mais l'installation conçue à l'origine montrait déjà quelques signes de vieillesse et manquait cruellement de cohérence. " D'un côté, il était question de produire du froid, d'un autre du chaud, et puis encore ailleurs de l'air comprimé " détaille Nicolas Navarre. Il faut dire que pour faire du chocolat, cela nécessite un peu d'énergie.

" La consommation de froid représente près d'un tiers de la consommation énergétique de notre site de Perpignan, explique Stéphane Joubert. Nous utilisons d’abord le froid pour refroidir les zones de conditionnement où est stocké le chocolat. Nous travaillons donc à 18 °C pour que le chocolat ne fonde pas. Une autre consommation de froid est également nécessaire lorsque le chocolat refroidit dans les tunnels de moulage de tablettes ou autre. La production de chaud est quant à elle utile pour chauffer le chocolat dans les tanks de 24 tonnes avant d'être moulu. Les zones de tempérage ont également besoin de chaud. Le beurre de cacao arrivé d'Abidjan est aussi chauffé pour être travaillé. Et bien sûr, nous chauffons également les bureaux, mais c'est presque anecdotique en comparaison à la consommation énergétique réalisée pour le process industriel. " L'idée de Certinergy, rapidement partagée par le groupe Cémoi, était donc de profiter des calories générées par la production de froid pour couvrir les besoins en ECS et en chauffage pour le process industriel.

Une installation F-Gas compatible

Au total, sept groupes froid d'une puissance de 800 kW ont été installés, dont certains produisent une eau comprise entre 6 et 10 °C, pour refroidir notamment le chocolat lors du moulage. Une récupération chaleur a été mise en place sur ces équipements afin de subvenir aux besoins en chaud pour l'ECS du site. Les équipes de Certinergy ont même été chercher des calories dans l'air. " Nous avons également mis en place une récupération de chaleur sur l'air comprimé, confie Nicolas Navarre. Avec ces calories, l'eau produite passe de 40 à 50 °C gratuitement. "  Certinergy a également développé une solution de régulation pour consommer uniquement en fonction des besoins. Une attention particulière a aussi été donnée pour travailler à pression constante et ainsi moins solliciter la production de froid. L'installation aurait également pu couvrir tous les besoins en chaud d'après le responsable de Certinergy. Mais le groupe Cémoi, engagé en parallèle à consommer 6 GWh/an d'un réseau de chaleur collectif alimenté par une usine de valorisation de déchets voisine, a préféré multiplier ses partenariats et ses productions d'énergie.

Le jackpot de la récupération de chaleur

Autre avantage non négligeable qui permet à Cémoi d'être tranquille pour quelques années, les groupes froid récemment installés sont en règle avec la F-Gas. " Les groupes froid installés en 2008 avaient déjà tourné plus de 50 000 heures. À l'époque, les HFC étaient encore discrets sur le marché. Quasiment tous les groupes installés fonctionnaient au R404. Maintenant, les équipements fonctionnent au R134a. Nous aurions pu mettre du NH3, mais sur un site agroalimentaire comme celui de Cémoi, le HFC a été préféré à l'ammoniac " confie Nicolas Navarre. Et pour pérenniser encore un peu plus l'installation, Certinergy est engagé pendant cinq ans afin de garantir la rentabilité de son travail. " Si le débimètre est par exemple hors-service, si une pompe vient à casser ou si les groupes froid n'arrivent plus à évacuer les calories, alors nous intervenons. "

La nouvelle installation de groupes froid avec récupération de chaleur est en tout cas pour l'instant plus que satisfaisante pour le groupe Cémoi. Les consommations énergétiques en 2021 ont été réduites de 100 000 € sur la facture annuelle, soit 10 % d'économie d'énergie. Et on ne s'avance pas trop si l'on déclare que ces économies seront encore plus rentables en 2022.

Fiche technique

Équipements

7 groupes froid Daikin 800 kW

Exploitation

Depuis 2019

Postes couverts

Production de froid industriel, ECS, chauffage de process

Acteurs

Conception, suivi des travaux : Certinergy

Maître d'ouvrage : groupe Cémoi

">