Co-fondatrice avec son frère Virgile de MyLightSystem, devenue MyLight150, Ondine Suavet en est toujours co-dirigeante. L’entreprise bouscule les codes sur le marché du photovoltaïque et de la fourniture d’énergie.

Fournisseur d’électricité, opérateur de service… Comment présentez-vous MyLight150 ?

L’entreprise lyonnaise MyLight150 a été créée il y a un peu plus de dix ans, et compte aujourd’hui plus de 200 collaborateurs. Nous allions trois grands métiers : la production d’énergie photovoltaïque, la gestion d’énergie pour le chauffage, la borne de recharge et l’eau chaude sanitaire, et enfin la fourniture d’électricité. Nous couplons cette dernière avec l’algorithmie et la gestion intelligente, qui permettent à nos clients de consommer au moment où ils produisent leur électricité.

Comment regardez-vous ce qui s’est passé ces dernières années sur le marché de l’électricité ?

Le rebond économique post-Covid a conduit à une hausse de la demande en électricité. La guerre en Ukraine a ensuite créé, en février 2022, une forte tension sur le marché du gaz – or, le prix de l’électricité est indexé sur celui du gaz. Les pics de prix ont été accentués par la baisse de disponibilité du parc nucléaire, le grand carénage des centrales n’ayant pas pu avoir lieu durant le Covid. La sécheresse estivale a ajouté une baisse historique de la production d’hydroélectricité. Ces trois phénomènes ont conduit à un pic conjoncturel des prix de l’électricité.

Il faut aussi mentionner l’essor des énergies renouvelables. Ce mouvement a démarré à la fin des années 2000, et a été accentué par cette crise de 2022. Puis la crise est retombée : les centrales ont retrouvé de la disponibilité fin 2022, la surchauffe économique a ralenti, la demande a baissé et les nouvelles capacités d’ENR sont arrivées. Les prix se sont donc dégonflés rapidement, pour atteindre un niveau extrêmement bas des prix spot de l’électricité. Les prix négatifs ont aussi été de plus en plus fréquents, signe que nous avons retrouvé une électricité très compétitive.

Et côté demande ?

Elle a explosé en 2022, puis s’est fortement calmée. Le marché du véhicule électrique est moins dynamique, celui de la PAC également. L’électrification ralentit, et on se retrouve avec beaucoup plus d’offre que de demande.

Il faut bien comprendre que le consommateur français a été protégé plus que partout ailleurs en Europe, avec un bouclier tarifaire qui a coûté plus de 100 Md€ sur trois ans. Le prix de l’électricité a tout de même grimpé de 40 % sur dix-huit mois, mais ce n’est en rien comparable à ce qui s’est passé chez nos voisins, qui ont connu des hausses de 100 % en moins d’un an. La France a atténué la hausse sur plusieurs années, au lieu de la subir sur une période courte.

Nous accélérons le temps de retour sur investissement de la PAC.

En 2022, le sujet de l’électricité s’est invité dans les journaux télévisés, quand on a découvert de manière brutale qu’on pouvait avoir un problème d’approvisionnement en électricité. Des démarches de sobriété ont été engagées : diminution de la température de chauffage, baisse de l’éclairage urbain… Ces habitudes sont restées quand les prix ont baissé, et il n’y a pas eu d’autres usages pour prendre le relais de cette part manquante.

Est-ce à vos yeux la raison qui a conduit à stopper brutalement les aides au photovoltaïque ?

Je ne lierais pas l’arrêté tarifaire au surplus d’électricité. Nous n’avons pas trop d’électricité dans la mesure où deux tiers de notre énergie proviennent du gaz et du pétrole ! Il faut donc produire encore plus, mais en couplant cette hausse à une intensification de l’électrification.

Les Pouvoirs publics ont compris que le photovoltaïque, qui se développe depuis 20 ans, est devenu compétitif, et que le dispositif d’aides n’était plus adapté au niveau de maturité de cette énergie. La réaction a été bien trop brutale pour que la filière puisse s’adapter, avec une décision en quelques semaines et le spectre d’une rétroactivité qui n’a finalement pas été retenue. Mais nous voyons bien que des modèles non subventionnés, comme celui que nous déployons, assurent une rentabilité en moins de dix ans, avec des retours sur investissement tout à fait acceptables par le consommateur. Nous accueillons d’ailleurs plus de 1 000 nouveaux clients par mois, sans aucune aide d’État !

Quel est le modèle économique de MyLight150 ?

Quand on promet de baisser la facture d’électricité de 80 %, c’est que nous ne cherchons pas à vendre de l’énergie. Sur le marché spot, les prix peuvent connaître des pics et des creux. L’enjeu n’est plus alors de vendre du kWh, mais d’aider la maison à consommer au bon moment. Nous forfaitisons un service à prix fixe. Ensuite, à nous de faire en sorte que la pompe à chaleur tourne de 6 h à 7 h 45, qu’elle cesse de fonctionner au moment du pic de 8 h en utilisant l’inertie de la maison, puis reprenne vers 8 h 30 ou 9 h, après le pic de consommation. Cela nous permet de garantir une baisse de consommation de 30 % de la pompe à chaleur.

C’est ce que vous nommez batterie virtuelle ?

La batterie virtuelle, c’est le tampon entre consommation et surplus. Nos consommateurs étant aussi producteurs, nous cherchons à mutualiser les besoins de l’ensemble de nos clients particuliers.

Le stockage physique est-il appelé à se développer ?

La batterie physique va arriver très vite. Elle est totalement compatible avec la batterie virtuelle, qui sert à optimiser la facture tout au long de l’année. Le stockage physique, en Californie, pèse 10 GW, soit 15 % de la consommation pour effacer les pics du matin et du soir, dans un état avec 40 % de consommation solaire. La demande en batteries est portée par le véhicule électrique, avec une hausse des capacités et des performances et une baisse des prix, à l’instar de ce qu’on a connu dans le panneau photovoltaïque.

Côté véhicule électrique, le pilotage apporte-t-il les mêmes perspectives que pour la PAC ?

Le véhicule, c’est encore mieux que la PAC ! On ne le charge pas tous les jours, et on peut donc choisir le meilleur moment. On parvient même à rémunérer les consommateurs s’ils chargent leur voiture quand il y a trop d’électricité dans le réseau ! Nos consommateurs peuvent gagner de 200 à 400 € !

Cela rejoint l’effacement, dont vous êtes partie prenante…

C’est effectivement au cœur de notre proposition de valeur. Les services rendus au réseau sont rémunérés, et nous partageons cette valeur avec nos clients.

Vous articulez donc le monde de l’électricité et le monde du chauffage. Comptez-vous sur les chauffagistes pour développer vos offres ?

Les systèmes thermiques consomment de l’électricité. Une maison qui passe à la pompe à chaleur est davantage électrique. 70 % de nos clients possèdent une pompe à chaleur, et sont à la recherche d’une solution face à la hausse de la facture. Nous aidons à l’accélération du retour sur investissement de la PAC, et encourageons donc à l’adoption de la PAC.

1985 : Naissance

2008 : Diplômée de Chimie ParisTech PSL

2014 : Co-fonde avec son frère Virgile MyLightSystem, qui deviendra MyLight150

2023 : Levée de fonds de 100 M€ auprès de quatre fonds

2024 : Lancement de l’offre MySmartHeating, pour piloter les PAC