
Pour les auditeurs qui ne sont pas familiers du négoce, pouvez-vous présenter Socoda en quelques mots ?
Socoda est un groupement de distributeurs indépendants, avec un volume de CA autour de 3,5 Md€. Nous sommes actifs sur cinq marchés : produits sidérurgiques, sanitaire-chauffage, élecricité, décoration et quincaillerie-outillage-fournitures industrielles. Nous comptons 200 distributeurs en métropole et dans les Drom-Com.
L'activité CVC se répartit donc entre vos univers sanitaire-chauffage et électricité ?
A mon arrivée chez Socoda, j'ai constaté la segmentation entre sanitaire-chauffage et électricité. L'une des premières décisions que j'ai prises, c'est de créer une catégorie spécifique CVC dans nos équipes achats, car ce domaine se développe énormément et fait face à des enjeux considérables de transformation énergétique et environnementale.
Ce segment est en crise, avec une baisse de plus de 10 % des ventes du négoce en CVC en 2024. S'agit-il d'un trou d'air ou d'une crise plus profonde ?
Le domaine du thermique a toujours été lié à des politiques publiques. Il y a 50 ans, on a développé l'électrique en lien avec les choix sur le nucléaire. Aujourd'hui, une partie de la baisse du marché est liée aux politiques publiques : arrêts de dispostifs publics, choix sur le logement neuf... Il y a bien un trou d'air politique. Mais il y a aussi un trou d'air économique, avec énormément d'incertitudes qui poussent les consommateurs à remettre à plus tard leurs choix d'investissement.
Ce trou d'air intervient après plusieurs années particulièrement bonnes pour le secteur. Ne faudrait-il pas apprécier la conjoncture sur un cycle plus long que celui des résultats annuels ?
En fonction de la typologie d'entreprise dans laquelle on travaille, on ne regarde pas la vie avec la même échelle de temps. Le propriétaire patrimonial d'une PME ou une ETI regarde le temps long, avec en visu la pérennité de ses décisions pour conserver l'entreprise, voire la transmettre à ses enfants. Dans une société cotée ou dans un LBO, le temps de l'actionnaire est très court. Cela explique un certain nombre de décisions, et ça ne date pas d'aujourd'hui. Il y a effectivement un correctif du marché après de fortes croissances et une bulle d'opportunité. Mais l'entreprise n'est pas née pour reculer, mais elle est structurée pour faire de la croissance.
Quelles décisions publiques vous semblent avoir particulièrement pesé dans le recul actuel ?
Il y a eu une conjonction de plusieurs facteurs : le sujet de MaPrimeRénov', les banques qui ont réduit leur engagement, la hausse des taux d'intérêt, l'inflation qui a mis les consommateurs dans l'impossibilité d'engager les travaux. De plus, on a mis en place des systèmes extrêmement lourds administrativement. Nous appelons de nos voeux une simplification drastique de tous les processus. Enfin, il n'y a pas de vision claire de la trajectoire, des choix politiques, ce dont les entreprises ont besoin pour avancer.
Cela empêche le monde économique de prendre le relais du monde politique pour relancer la machine ?
Je ne crois pas que la filière ait manqué à son rôle. Elle doit jouer avec la difficulté de la transversalité. Par exemple, en matière de décret tertiaire, il faut coordonner une offre avec un audit, une préconisation technique, une préconisation financière qui inclut la valeur du bien et son évolution, la mise en oeuvre... Ces différents métiers peuvent être coordonnés par l'initiative privée, mais in fine, il reste un investisseur ou un propriétaire qui prend une décision d'investissement en fonction de son niveau de confiance dans l'avenir.
Sur le tertiaire, le négoce est moins présent que dans le résidentiel. Le tertiaire de proximité constitue-t-il une cible à développer ?
Le tertiaire englobe un périmètre de clientèle très vaste. Nos distributeurs ont un maillage territorial indispensable, en tant qu'intégrateurs de solutions complètes. Les indépendants ont leur rôle à jouer sur le petit et moyen tertiaire, les petits bâtiments publics, les gymnases...
Y a-t-il des étapes encore à franchir pour conquérir ce tertiaire de proximité ?
Chez les indépendants, c'est le rôle des groupements de créer des solutions globales pour faire à plusieurs ce qu'on ne peut pas faire tout seul. Socoda a un rôle à jouer pour aider à cette coordination et gagner en efficacité opérationnelle.
L'Etat privilégie la PAC, et délaisse gaz verts et biofioul. Le regrettez-vous ?
J'ai toujours regretté que le politique se mêle d'un peu trop près des aspects techniques. D'une région à l'autre en France, d'une typologie à l'autre, les réalités sont très différentes. Il n'existe pas de solution unique et vertueuse dans tous les cas de figure, quoi qu'en dise un certain lobbying. Dès qu'on s'éloigne le plus possible des énergies fossiles pour décarboner, on est dans le vrai, que ce soit par du gaz vert, du bois ou de la pompe à chaleur. Il est stérile d'opposer les techniques. La PAC est une très bonne solution, mais pas partout ! En tant que distributeurs, nous devons avoir l'offre la plus ouverte possible pour accompagner les choix locaux des installateurs. Quant à l'Etat, il doit nous simplifier la vie. Je ne suis pas loin de penser qu'il faudrait arrêter tous les dispositifs, nous abaisser la TVA et qu'on nous laisse faire !
La PAC est à -30 % dans les chiffres de Coédis, la chaudière à -10 %. Comment l'expliquez-vous ?
Le consommateur est extrêmement rationnel dans ses choix. Face à une contrainte économique, on va au plus facile. Le choix de son système de chauffage demeure un choix contraint. On réduit la contrainte au maximum.
L'automobile s'est beaucoup appuyée sur le leasing, notamment pour l'électrification. Y croyez-vous pour le chauffage ?
C'est un sujet ancien, on en parlait déjà il y a une dizaine d'années. Mais une chaudière est accrochée au mur, et la performance finale dépend de l'usage qu'en fait le consommateur. Les contrats de performance énergétique sont d'ailleurs tous corrélés à l'usage. J'aimerais d'ailleurs bien lire une étude sur la réalité des économies générées par les CPE dans lesquels on a englouti des millions d'euros.
Côté logement neuf, comment voyez-vous un possible rebond ?
Cela doit s'apprécier territoire par territoire, avec une décision politique proche du terrain. La France n'est pas un territoire homogène ! Je crois aussi beaucoup à la conversion, notamment pour des espaces de bureaux non utilisés, dans des zones déjà urbanisées et équipées en transports en commun. Mais les processus sont très lents administrativement. Laissons aux collectivités le choix de la décision et accélérons les processus administratifs.