Jérôme Pradal a construit sa carrière dans l’automatisation du bâtiment. Il a rejoint le groupe Ariston en 2016, et en est DG France depuis 2020, aux commandes des marques Ariston, Chaffoteaux, Wolf, Brink et Elco.

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L’année 2025 est bien engagée. Comment se dessine-t-elle pour le groupe Ariston ?

Le marché reste dans l’ensemble chahuté. Toutes les familles de produits que nous portons – chaudières, pompes à chaleur, ballons thermodynamiques – évoluent dans un contexte plutôt défavorable. Même la pompe à chaleur air enregistre un déclin par rapport à l’an dernier.

C’est la conséquence d’un marché du logement neuf qui n’a pas véritablement redémarré, tout comme celui de la transaction dans l’ancien. À cela s’ajoutent un climat général de pessimisme et un dispositif d’aides à la rénovation instable, ce qui pousse les ménages et les installateurs à une certaine forme d’attentisme. Le taux d’épargne des ménages en témoigne.

Pour autant, 2025 présente aussi des points positifs. Le groupe Ariston continue à gagner des parts de marché dans la plupart des catégories de produits. Nous avons également poursuivi des évolutions organisationnelles afin de mieux servir nos clients : fusion des équipes projets et prescriptions (Chaffoteaux et Elco) pour les solutions individuelles et collectives, et intégration de la marque Wolf dans notre portefeuille produits pour la rénovation individuelle.

La conjoncture est très influencée par les réformes des aides (CEE, MaPrimeRénov’, etc.). Le marché du génie climatique est-il condamné à subir ces variations, ou un monde sans aides est-il à portée de main ?

La vraie difficulté n’est pas tant l’existence d’aides à la rénovation énergétique, mais leur instabilité chronique et les discours changeants qui les entourent. Pour les monogestes, le dispositif des CEE, par exemple, est plus stable, car inscrit dans des périodes pluriannuelles, et bien compris des acteurs. Il serait pertinent d’associer MaPrimeRénov’ aux CEE afin de rendre le système plus lisible et d’encourager la rénovation globale par une succession de gestes simples.

Concernant la pompe à chaleur, certaines catégories (PAC air-eau et ballons thermodynamiques) sont soutenues par les aides, mais pas les PAC air-air. Il faut tendre vers un marché moins dépendant, mais force est de constater que la fin des aides ralentirait fortement la dynamique, comme on l’a vu en France et ailleurs.

Nous avons deux axes de travail. D’une part, la pédagogie, pour mieux faire connaître les technologies. D’autre part, la baisse des coûts d’acquisition pour le client, à la fois sur le produit (grâce à l’optimisation industrielle) et sur l’installation. Le recours accentué aux PAC monoblocs, du fait des nouveaux fluides, amènera de nouveaux installateurs sur ce marché.

L’hybridation peut-elle aussi jouer un rôle ?

L’hybride est un très bon relais pour démocratiser la pompe à chaleur. La régulation du système s’appréhende de la même façon que ce que le chauffagiste pratiquait avec la chaudière seule. Il permet aux chauffagistes de se familiariser avec les PAC et constitue une solution de transition simple à mettre en œuvre. Nous innovons dans ce sens, avec par exemple des projets de PAC hybrides sans unité extérieure. Nous sommes pour cela lauréats d’un appel à projets de GRDF.

Dans l’automobile, le leasing a changé le rapport au coût d’acquisition. Peut-il jouer un rôle dans votre secteur ?

C’est une piste intéressante. Une installation doit être financée, installée et maintenue dans le temps pour rester performante. Le leasing ou d’autres solutions financières pourraient donc être des leviers, en appréhendant le coût complet de l’installation.

Mais le produit représente 30 à 50 % du coût global d’installation, et cette part se dilue encore sur la durée de vie totale. Notre rôle est d’apporter de la valeur ajoutée (garanties, connectivité, maintenance prédictive) que les installateurs peuvent intégrer dans des solutions packagées pour les consommateurs. À ce jour, cependant, il n’existe pas encore de solution de leasing vraiment adaptée au marché.

Dans la pompe à chaleur, la taille critique devient-elle un enjeu majeur pour proposer des prix plus compétitifs et mutualiser la R&D, comme elle l’a été pour l’industrie automobile ?

Oui. La taille critique est essentielle pour continuer à investir dans l’innovation, la production, la formation et le SAV. Nous consacrons d’ailleurs plus de 5 % de notre chiffre d’affaires à l’innovation. En 2022, nous avons acquis Centrotec, avec les marques Wolf et Brink, pour mutualiser nos plateformes de développement. Cela nous permet de lancer en 2026 de nouvelles PAC sous les marques Wolf, Ariston et Elco.

Nous continuons aussi à investir dans la production locale, comme avec notre nouvelle unité d’électronique en Italie, que nous avons inaugurée il y a quelques mois, afin de renforcer notre indépendance et la qualité de nos solutions. L’intelligence de nos équipements est stratégique.

Le coût ne se limite pas à l’acquisition, mais s’apprécie tout au long de la vie du produit. Or, le prix des énergies est de plus en plus volatil. Comment cela influence-t-il vos produits ?

Nous prônons avant tout le pragmatisme. L’électricité nucléaire, les énergies renouvelables et le gaz vert nous donnent en France une certaine souveraineté, pour réfléchir à l’hybridation des énergies et optimiser les choix, dès le départ ou en évolutivité.

Notre priorité reste par ailleurs l’optimisation énergétique : l’énergie la moins coûteuse reste celle qu’on ne consomme pas. Nous intégrons aussi de la connectivité pour faciliter la maintenance et améliorer la performance dans la durée. La maintenance prédictive accompagne la performance.

Enfin, un autre enjeu majeur concerne l’eau chaude sanitaire. Avec un parc de 16 millions de chauffe-eau électriques en France, l’intégration de dispositifs intelligents permet de lisser la consommation d’électricité et d’aider à équilibrer le réseau, en choisissant le moment adapté pour les faire fonctionner.

Le gouvernement a modifié les paramètres du DPE, ce qui sort environ un million de logements du statut de passoire thermique. Bonne ou mauvaise nouvelle ?

Je salue la capacité à faire avancer un sujet comme celui-ci en trois mois. Cela pourrait s’apparenter à une bonne nouvelle, mais il manque une étude d’impact pour caractériser ces logements. Certains risquent de ne pas bénéficier de travaux à court terme.

Ce qui nous semble essentiel, c’est de garantir une évaluation homogène et crédible des équipements dans le DPE. Aujourd’hui, tous les certificats techniques ne se valent pas. Il faudrait harmoniser les référentiels, ce qui bénéficierait aux acteurs qui produisent en Europe.

Quelles perspectives positives voyez-vous pour 2026 ?

Malgré les difficultés, nous croyons qu’il existe de réelles opportunités. Les ménages comme les professionnels cherchent à améliorer le confort, à consommer moins d’énergie, à trouver des solutions adaptées à leur budget et contribuer à la décarbonation.

Nous voulons y répondre de manière pragmatique, sans dogmatisme, avec un portefeuille large allant du chauffage à l’eau chaude sanitaire. 2026 et au-delà représentent pour nous l’occasion de proposer des solutions diversifiées et durables, au service des particuliers comme du collectif.

Jérôme Pradal en cinq dates

1982  : Naissance

2002 : Rejoint Schneider Electric

2014 : Directeur des ventes Grands Projets de Grundfos en France

2016 : DG d’Elco France

2020: DG du groupe Ariston en France